vendredi 25 décembre 2009

Noël ici, souffrance et misère là-bas.

Aaah, les fêtes de fin d'année...

Chères lectrices, chers lecteurs,

Permettez moi de vous souhaiter un très joyeux Noël et une bonne nouvelle année.

Je déteste l'hiver et le froid (sang méditerranéen sans doute), mais je dois dire que les fêtes de fin d'année mettent une touche de couleurs bien venue dans un monde gris et sombre, tant au propre qu'au figuré. Les rues se parent de mille feux (bien que, en bon écolo et en tant qu'ingénieur de formation, j'aurais quelques remarques à faire sur certains choix énergétique... je sais, je suis un vilain grincheux). Les enfants sont de plus en plus excités à l'approche de la date fatidique, et on ne peut rester insensible en lisant la magie qui brille encore dans leurs yeux.

Seulement, cette période me donne, année après année, un goût de plus en plus amer en bouche. S'il n'y a absolument rien de répréhensible à vouloir "se faire plaisir", je ne comprends pas pourquoi cette pulsion innocente doit apparemment se faire au détriment de certaines facultés cérébrales, notamment celles qui font qu'un être humain puisse être doué à la fois d'une responsabilité individuelle et de compassion envers les autres. Rien à voir avec de quelconques préceptes religieux (que je respecte au demeurant) ou autres litanies politiciennes : ces deux caractéristiques humaines n'ont peut-être l'air de rien, mais ce sont pourtant deux points qui nous différencient, du point de vue comportemental, du reste du monde animal (ou presque...). L'être humain des contrées aisées deviendrait-il plus "animal" en période de Noël? Une provocation, certes. Mais c'est plus que cela!

Un point de vue personnel : la souffrance animale

Balise : début "partie écolo pénible"

Noël : ce mot rime peut-être avec réunion de famille, mais celui de consommation semble le plus correct par chez nous. On consomme, on se doit de consommer! Cela entraine bien sûr une débauche d'énergie, de déplacements et de déchets (vous savez, tous ces emballages énormes que les grandes surfaces nous servent pour contenir des objets généralement beaucoup plus petits...). Je pourrai écrire des lignes à ce sujet, mais un reportage "très journalistique" du "très sérieux" journal de TF1 a retenu mon attention sur un seul point : celui de la nourriture typique des fêtes.

Aujourd'hui, j'ai eu le plaisir d'être invité à un repas de famille. Ma belle-sœur a, comme à son habitude, mis les petits plats dans les grands et préparé un succulent repas qui, de part la présentation et le goûts des différents mets, ferait passer certains menus gastronomiques de la place genevoise pour une carte de cantine militaire des années trente (sans rire). Pour plusieurs raisons, en famille, je garde mes principes d'écologiste pénible pour moi (et l'emploi du mot "pénible" n'est pas ironique, ma femme me le rappelle quelquefois quand mes propos sont d'un vert... trop direct) ; d'une manière plus générale, par respect pour mes hôtes, je ne m'amuse jamais à remettre en cause quoi que ce soit sur le choix des plats, ni à les contraindre par rapport à mes "goûts". Mais j'admets que, lorsque j'ai vu le foie gras sur mon assiette, j'étais un peu mal à l'aise.

Je suis, depuis quelques temps, "semi-végétarien", plus par principe que par goût (j'adore la charcuterie...). Pourquoi "semi"? Je mange de la viande (très rarement, et surtout lorsque je suis invité) et je ne rechigne pas sur du poisson, de temps à autre. Étant littéralement un gouffre d'ignorance en terme de diététique, et étant plutôt sportif, je reste prudent devant une diète purement végétarienne, mais je tends lentement vers une alimentation sans viande, par raison écologique (emprunte environnementale de la filière carnée) mais surtout de part une éthique purement personnelle, liée à la souffrance animale : j'ai pêché deux fois dans mon enfance, et à chaque fois cela ne m'a absolument pas plu ; lors de ma scolarité, passionné de biologie, j'avais rejeté cette voie simplement à cause des euthanasies que les étudiants pouvaient être amenés à faire (et je me suis tourné vers la technique) ; les images d'animaux torturés de part le monde et traités comme de vulgaires objets me restent en tête et ne veulent plus en sortir. Je suis, sans exagérer, incapable de faire du mal à une mouche. Une sensibilité toute émotionnelle, je vous l'accorde. Une sensibilité déplacée, dans un monde qui exige trop souvent une froideur de raisonnement, peut-être. Mais une sensibilité qui ne me fait pas oublier qu'une partie de mes repas est constitué sur la base de souffrance animale (et humaine aussi...).

Le fois gras fait parti de ses innombrables ingrédients carnés qui forment la plupart des mets habituellement servis à Noël. Il est cependant une illustration assez frappante de cette "animalisation" que subit l'Homo sapiens lorsqu'il s'agit de "se faire plaisir", lui qui pourtant, en bon humain moderne, est très souvent révulsé à la simple vue du sang : il assouvie ses besoins primaires - manger - sans se soucier le moins du monde de ses proies, ce qui correspond bien au mécanisme comportemental de n'importe quel prédateur.

Voici une vidéo d'une quinzaine de minutes qui illustre mon malêtre face au foie gras et à la viande en général (attention, âmes sensibles s'abstenir) :



En ces temps de crise alimentaire mondial, les étalages des magasins nous proposent sans vergogne foie gras à "toutes les sauces", dindes et autres filets de saumon. Les soucis de certains vont à l'approvisionnement de leurs stocks, les soucis des autres vont à savoir s'ils trouveront ou non leur sous-produit animal préféré. Mais en cette période de frénésie consumériste liée à Noël, nous avons tendance à faire passer ses soucis devant d'autres points, que ce soit les souffrances inutiles infligées aux animaux d'abattoir dans le cas du foie gras ou de la surexploitation des ressources halieutiques dans le cas du saumon. Le propos n'est pas ici de blâmer qui que se soit (qui suis-je pour le faire) ni de prôner le végétarisme (je n'en ai pas les compétences de toute façon, ma démarche étant motivée par des principes personnels), mais uniquement de souligner l'ambiguïté de la situation : l'ambiance de fête et l'envie légitime de "se faire plaisir" occultent, du point de vue des animaux, des traitements intolérables et, du point de vue des ressources, des productions peu durables : un exemple sur ce dernier point, les saumons vendus à 50% dans les magasins d'une grande chaîne commerciale suisse n'étaient pas étiquetés MSC (certification de pêche durable).

Balise : fin "partie écolo pénible"

Pendant que ma fille souriait devant ses cadeaux...

Autre point qui me fait penser que nous tous, moi y compris, devenons de plus en plus "animal" en période de fêtes : le comportement de clan ; seul nos proches comptes. Si heureusement, cela n'est en aucun cas mauvais de se préoccuper de ses proches, en oublier notre situation privilégiée par rapport à d'autre est, par contre, regrettable. Ce "comportement" peut être mis en parallèle avec l'égoïsme, cet instinct que nous possédons tous, héritage de nos ancêtres qui, pour survivre, devaient garder jalousement leurs biens, nourriture ou territoire contre toute attaque de concurrents ou prédateurs potentiels, ceci au bénéfice de leur propre être ou de leur famille. Le partage n'est, de prime abord et de façon générale, pas un caractère souvent présent chez les animaux ; on cueille, chasse ou pêche pour soi, au mieux pour sa famille proche, parfois pour sa harde, son groupe ou sa tribu et, si partage il y a, c'est souvent de manière hiérarchique (les lions par exemple).

Le 24 au soir, ma fille a reçu ses cadeaux (une visite surprise du Père Noël qui, parce que nous n'avons pas de cheminée, a déposé ses présents devant la porte et est parti en sonnant à la porte... sacré Père Noël). C'était un vrai bonheur de la voir sourire devant sa nouvelle poupée ou de son nouveau pyjama à l'effigie d'une célèbre princesse de Walt Disney.

Ce soir, ma femme regardait un film sur une histoire vraie relatant une aventure douloureuse d'une mère et de sa fille. Indirectement, cela m'a rappelé une triste évidence, écrasante et, il faut bien l'admettre, assez décourageante : que le bonheur qui se lisait sur le visage de ma petite fille de quatre ans n'était pas partagé par de trop nombreux enfants sur cette terre. Au-delà de la fête de Noël, célébrée par une relative minorité de personnes, c'est bien du bonheur de vivre son enfance que je parle. Les enfants hospitalisés, qui passent les fêtes sur un lit, parfois sans contact avec leurs parents, parfois en vivant leur dernier Noël... Les enfants de parents en difficultés, tant personnelles que professionnelles... Les enfants de pays en guerre, où leurs terrains de jeu ne sont que champs de mines... Les enfants des rues, de communautés sans cesse rejetées, contraints de mendier, de voler ou de se prostituer pour vivre... Les enfants du monde, victimes de pollutions, de famines ou des aléas du climat...

La vidéo ci-dessous (extrait du film "Les enfants des rues d'Afghanistan", un reportage de TAC Presse diffusé dans l'émission Arte Reportage (Arte)), illustrant les conditions des enfants des rues en Afghanistan, m'a bien rappelé que, sous le voile de féérie qui caractérise la vie pour moi en cette fin d'année, se cache une réalité quotidienne et terriblement actuelle que subissent bon nombre d'enfants.



Et bien oui, pendant que ma fille ouvrait ses cadeaux, pendant que je contemplais son visage heureux, combien de millions d'enfants, ici comme ailleurs, vivaient des moments douloureux et difficiles? Mais surtout, dans mes "préoccupations de clan", autrement dit mon attention particulière pour mes proches, comment cette triste réalité avait pu m'échapper? J'étais, à l'instar de mes ancêtres, accaparé par le bien de mes proches ; les éventuelles souffrances de mes congénères, potentiels concurrents, ne m'étaient d'aucune importance! Si, comme tout le monde, je me battrai sans cesse pour que ma famille ne manque de rien, je me demande où est passé, ce Noël, ma part d'humanité qui fait ne pas oublier le privilège que j'ai de pouvoir faire sourire ma petite fille, privilège au combien distribué de façon inéquitable à travers la planète.

Si les enfants du monde n'ont pas forcément besoin d'un "cadeau" au sens où nous l'entendons en Occident, ils doivent pouvoir vivre leur enfance, bon sang!!! Foutu comportement égoïste, qui me fait oublier trop facilement que ce vœux n'en est encore qu'au stade du simple vœux pieux...

La générosité... jusqu'à un certain point.

Avec les fêtes de Noël viennent naturellement les appels à la charité. Diverses associations font des campagnes de dons, et rencontrent, c'est heureux, souvent un grand succès. Noël a aussi, par le passé, été le lieu de récoltes de fonds incroyables. Rappelez-vous, le tsunami qui a dévasté notamment l'Indonésie, la Thaïlande, l'Inde et le Sri-Lanka le 26 décembre 2004, faisant plus de 200'000 morts. Plusieurs centaines de millions d'euros ont été récoltés, dans un élan de solidarité. Un autre événements tragique, le tremblement de terre du Sichuan, en Chine, qui fit près de 88'000 victimes et plus de 300'000 blessés en mai 2008, s'il récolta près de 7 milliards d'euro d'aide humanitaire, rencontra un échos sensiblement différent auprès du public, comme si celui-ci se sentait moins concerné par le sort des victimes chinoises. Moi-même j'avais fait un don en 2004 pour les victimes du tsunami, mais je n'ai rien versé dans le cas du séisme du Sichuan. Peut-être que, sous le coup de l'impact médiatique, j'avais été plus touché par le sort des victimes du tsunami? Peut-être que, dans ce cas, le fait que les Européens puissent être frappés par une telle catastrophe sur des lieux de vacances bien connus m'ait secoué plus que de savoir que des écoles chinoises mal construites se soient effondrées et aient tué près de 10'000 écoliers chinois le 12 mai 2008? Allez savoir? Sans remettre en doute ma bonne volonté ni celle des millions de donateurs à travers le monde, peut-être que cela n'est qu'une autre manifestation de notre propension à n'aider que ceux qui nous sont le plus proche... même à Noël.

Cette générosité à "géométrie variable" s'illustre de bien des manières, souvent plus claires que pour le cas des dons du tsunami de Noël 2004. Le cas des mendiants Roms à Genève et dans le canton de Vaud en est un exemple. Afin, peut-être, de déculpabiliser les gens, on a réduit les Roms à des délinquants, des escrocs, à une bande mafieuse exploiteurs d'enfants, étiquettes joyeusement étendues à tous les SDF trainant dans les rues de Genève ou de Lausanne. "Ne donnez pas de sous à ces gens" nous claironnaient nos chers esprits libéraux au pouvoir. Grâce à une vision politique à l'humanisme aussi flamboyant qu'une nuit sans lune, nos instances gouvernementales en sont même arrivées à "amender la misère", les policiers étant tenus de récupérer les quelques pièces que les mendiants possédaient. Misérable!

Cette manifestation de l'égoïsme primitif s'exprime ici envers ceux qui sont "différents", par leur langue, leur apparence ou leur mode de vie. Et, parce qu'ils expriment une misère de manière presque impudique, on crée des lois pitoyables et on raconte des histoires inexactes afin de discréditer une communauté et décourager les gens qui, par générosité, se battant peut-être contre leurs instincts primitifs, ose parfois donner un ou deux sous vers une main tendue.

L'émission "On en parle" sur la 1ère de la Radio Suisse Romande a parlé, en marge des fêtes de Noël, de cette mendicité (télécharger la chronique ici). Le journaliste interroge Yves Leresche, photographe-reporter, sur les conditions des Roms. Il casse les idées reçues sur les Roms, bien entretenues par certains parlementaires médiatiques pour justifier leur politique répressive, notamment le fait qu'il n'existe pas de réseau mafieux en Suisse. Les Roms fuient des conditions de vie très rudes (l'association Mesemrom résume bien la situation sur son site) ; j'avais entendu un reportage radiophonique où une journaliste en visite en Roumanie décrivait le seul point d'eau d'un camp Rom : une sortie d'égout. Comme toute population, il y a des gens bons et d'autres mauvais. Un jour, en sortant de l'École d'Ingénieurs de Genève, j'ai voulu donner un peu d'argent à une vieille femme ; résultat : mon porte-monnaie a été délesté de 20 francs et une colère mal contrôlée est venue alourdir ma démarche ; je n'ai pourtant pas posé l'étiquette de voleurs sur tous les mendiants!

Quelques exemples de notre égoïsme, avec une générosité conditionnée à nos rapports avec la ou les personnes dans le besoin : nous "ressemblent"-ils, sentent-ils mauvais, habitent-ils dans des lieux paradisiaques? Et Noël ne déroge qu'à peine à la règle. C'est bien la pire des périodes pour tous ces SDF d'origines différentes. Car en hivers, il fait froid. C'est sûr, cela, nos riches parlementaires légalistes ne le savent pas!

Les plus faibles d'entre nous trop souvent oubliés.

Parmi ces SDF de tout genre figurent des jeunes, des moins jeunes, des personnes âgées, tout un florilège de gens jetées sur les bords des rues par les aléas de la vie. Et trop de ces personnes passeront les fêtes seules, oubliées. Un sort que partagent nombres d'ainés, en établissements médico-sociaux comme à leur domicile. La canicule de 2003 a rappelé au monde la dramatique solitude des personnes âgées, mais celle-ci doit être bien triste à vivre en période de Noël.

Je vous mets en lien le clip de la campagne de Noël 2009 de l'Armée du Salut Suisse concernant toutes ses personnes qui passeront le réveillon "de leur côté" ; il est assez émouvant, simple mais bien fait!

Ne plus oublier...

Que vaut ce long examen de conscience que je vous ai fait subir? Pas grand chose! Ce n'est qu'un murmure dans toute cette effervescence festive, joyeuse mais, ce qui peut paraître paradoxal dans une période où l'on fait des cadeaux, assez égoïste! Mon seul souhait, c'est qu'en parlant de cette souffrance et de cette misère, on ne puisse plus les oublier, surtout en période de fêtes. Moi le premier! Et le fait de garder à l'esprit cette réalité, faute de remédier aux maux du monde, apportera peut-être une certaine modération, dans la consommation mais aussi dans les actions de la vie quotidienne, dans les propos que nous tous sommes tentés de porter sur telle ou telle personne, sur les certitudes que nous portons sur "l'ordre des choses".

Le Noël des enfants, le seul qui ait un sens!

Comment conclure! D'abord, ce parallèle entre le comportement humain en période de fêtes de fin d'année et celui de "l'animal" est bien sûr une caricature. Mais pas dans le sens que l'on pense. Si la responsabilité individuelle est un concept difficilement transposable dans le règne animal, certains "animaux", à l'instar des chimpanzés ou des dauphins, montrent un comportement social très complexe où le souci des plus faibles fait parti inhérente de leur vie. L'anthropocentrisme ne va pas que dans un sens, les observations scientifiques ne permettant ni de confirmer ni d'infirmer que certains animaux soient doués de sentiments, tel que la compassion, ou de toute autre forme de sensibilité allant même plus loin que le spectre émotionnel propre à l'espèce humaine. Une chose semble malheureusement sûr : nous, êtres humains vivant dans des pays prospères et riches, manquons, parfois, d'humanité. Cela n'en est que plus marquant en ces temps de fêtes.

Le but de ce commentaire n'est, j'insiste, aucunement de culpabiliser la lectrice ou le lecteur ; le seul qui culpabilise, c'est plutôt son auteur, moi, qui, au fil des lignes, remarque la modestie de son action et tout ce qu'il n'a pas encore fait pour essayer de changer, un temps soit peu, l'état des faits qu'il relate ci-dessus. Je pense juste que la prise de conscience, pas facilité par le flot de stimulations diverses (publicité, médias, politique, etc.) ni par la période, est la base de tout changement ; il est toujours plus facile d'ignorer la souffrance de gens (et d'animaux) qu'on ne connaît pas.

Mais... c'est Noël (ou plutôt, c'était hier, à l'heure où j'écris ses lignes...). J'aimerais terminer par une note plus joyeuse. Ce ne sont, au fond, pas tous ses éclairages pompeux qui font que ces fêtes de Noël sont, pour vous et moi, aussi belles. Non, ce sont bien les lueurs brillant dans les yeux des petits enfants de part le monde attendant le Père Noël qui illuminent cette période ; certains attendent la dernière poupée parlante, d'autres simplement des jours meilleurs. Mais leur innocence et la magie qu'ils portent sincèrement dans leur cœur sont bien plus éclatantes que toutes les enseignes lumineuses commerciales du monde entier. Une innocence qui me pousse à espérer que ma fille puisse croire encore longtemps au Père Noël...

... et que, le plus tôt possible, cette magie et ce rêve puissent être partagés par TOUS les enfants de ce bas monde.

Bon, il est quatre heures du matin, le rêveur utopiste va se coucher!

Bien à vous!

Sandro

Le lobby nucléaire suisse échoue à vendre ses chimères au peuple, mais pas à son gouvernement...

Hello,

En attendant que je ponde mon article (bien senti) sur l'énergie nucléaire en Suisse (dans quelques jours), je vous propose le très bon commentaire paru le lundi 21 décembre dernier sur le blog de Genevoiseries. Il y est question de la bien malheureuse et très regrettable décision du DETEC concernant l'octroie d'une autorisation illimitée d'exploitation de la centrale de Mühleberg. Une "belle" illustration du fameux proverbe populaire, qui sied parfaitement, malheureusement, à la manière dont les politiques traitent le nucléaire, en Suisse comme dans d'autres pays nucléarisés : on nous prend vraiment pour des c...

Centrale nucléaire de Mühleberg : Oui à l'exploitation illimitée!

En Suisse, le nucléaire reste encore très impopulaire auprès de la population. Mais à défaut de convaincre cette dernière, le lobby nucléaire a visiblement réussit à convaincre une bonne partie de notre gouvernement. Et pas qu'à droite. En effet, notre cher ministre de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC), j'ai nommé Monsieur Moritz Leuenberger, vient d'octroyer une autorisation d'exploitation illimitée à la centrale nucléaire de Mühleberg. [...]


Bien à vous!

Sandro

vendredi 18 décembre 2009

Copenhague, un rendez-vous pour rien!

Curieux-ses du Net, bien le bonjour d'un écologiste loin d'être découragé.

Deux semaines, c'est ce qu'il a fallu aux délégués internationaux pour... ne rien faire en faveur de l'environnement. Deux semaines, marquées par l'inexistence de dialogue entre la population - inquiète à juste titre par rapport à l'avenir de la planète - et les représentants internationaux - préoccupés par leurs seuls intérêts et en la rédaction de phrases "bateau". Deux semaines où l'on aura surtout vu la désorganisation des organisateurs et la répression de membres d'ONG voulant réveiller cette assemblée quelque peu... léthargique. Deux semaines sensées réduire les émissions de CO2, mais où les principaux protagonistes se seront surtout déplacés en grosses limousines et jets privés.

A l'heure où j'écris ces lignes, le sommet n'est pas tout à fait terminé, mais il est clair que plus rien n'est à attendre des négociations de Copenhague. Seule une déclaration politique, pompeuse mais vide de sens et d'intérêt, sera vraisemblablement présentée à la face du monde, un monde qui, pourtant, attendait bien mieux que cela (mais, y croyait-il vraiment?). L'éditorial de Benito Perez du Courrier, résume bien la situation :

Titanic à Copenhague

Paru le Vendredi 18 Décembre 2009

International Rarement l'image du Titanic, avancée cette semaine à Copenhague par le délégué de Tuvalu, n'aura été aussi appropriée. Alors que le monde file droit sur un iceberg détaché des pôles, l'orchestre des grandes puissances continue à jouer tranquillement la même rengaine. Qu'un accord de façade soit signé ou pas dans les prochaines heures ne changera rien au fond du problème: le Sommet onusien sur le climat n'aura pas été – et de très loin! – à la hauteur du défi posé à l'humanité par la dégradation accélérée de son environnement. [...]

Bien sûr, ce sommet restera dans l'histoire. Jamais autant de nations et d'intervenants ne se seront penchés sur la cause du climat. On peut dire que l'échec, devant l'ampleur de la tâche, était presque assuré.

Mais il restera aussi dans les mémoires - celles non embrumées par le dogmatisme tout du moins - pour une autre raison : le Sommet de Copenhague aura montré, s'il en était encore nécessaire, que l'écologie et le social doivent, une nouvelle fois, s'incliner devant l'économie. Et le manque de courage de certaines nations est tout simplement intolérable. Chacun, à l'instar de l'Europe, conditionne son action au bon vouloir des autres (autrement dit, on se protège de l'échec, en rejetant les responsabilités du dit échec aux autres pays, tout en ménageant les lobbys économiques qui, n'en déplaise aux sceptiques, sont incomparablement plus puissants que tous les mouvements altermondialistes réunis). On se croirait dans une cour de récréation : "c'est pas moi qui a commencé, c'est lui!" Or, ne dit-on pas aux enfants, dans ce cas, que pour résoudre une dispute sans recourir à la violence, on doit faire preuve d'intelligence? A voir les imbécilités irresponsables qui transparaissent du Sommet de Copenhague, je crois bien que certains enfants de primaire manifestent de temps en temps bien plus d'intelligence et de sagesse que les milliers d'"adultes" invités par l'ONU.

Comme cause de l'échec du sommet pour le climat, certains observateurs, comme le journaliste-écrivain Claude-Marie Vadrot, soulignent l'absence de dialogue entre les délégués, politiques et la société civile et les ONG. Ce manque de dialogue illustre parfaitement le décalage qu'il existe entre la population et les élites au pouvoir ; il marque aussi un déficit démocratique, fort regrettable vu l'ampleur du problème écologique.

Mais plus personne ne peut contester le rôle des lobbys dans cet échec. Les sceptiques médiatiques de tout poil ne pourront plus, dès lors, parler de "complot international et politique anti-CO2" en contestant le réchauffement climatique et son origine humaine ; en effet, c'est bien une assemblée onusienne qui vient de torpiller les efforts pour réduire drastiquement les émissions de CO2. Une assemblée à la solde des lobbys, sponsors de certains sceptiques climatiques (lire à ce titre l'article très intéressant paru dans le Courrier International du 20 septembre 2007 : Comment travaille le lobby des sceptiques, Sharon Begley) : de ce qui semble sortir du Sommet, il n'y a rien qui fait mention de la sortie du pétrole. Ah tiens! Tout ce beau monde parle de lutter contre le réchauffement climatique, sans pour autant se défaire de la "sacro-sainte" dépendance aux hydrocarbures?

En terme de lobby, l'OPEP n'est pas le seul. De nombreuses nations de part leur monde ont leur propre lobbys conservateurs : les USA de Barack Obama, où le scepticisme climatique, exacerbé par les associations industrielles (Fédération américaine des chambres de commerce) et créationnistes, est très fort ; la France nucléaire de Sarkozy, où la demande d'EDF d'introduire une taxe pour palier le manque à gagner entrainé par les dispositifs d'économies d'énergies (système de délestage) trouve gain de cause, etc. Bref! L'écologisme ne sert qu'à embellir les discours ; quand on passe au concret, les "vieilles habitudes" en terme d'allégeances économiques reviennent...

Enfin, les résistances occidentales, surtout vis-à-vis de la Chine, sont d'une hypocrisie incroyable. Bien sûr, l'Empire du Milieu, en bonne dictature, ne brille pas par sa transparence. Et les dégats écologiques, créés en partie par la procédure de néolibéralisation en cours de l'économie chinoise, sont bien réels. Mais, qui consomme les produits Made in China? Mmmh?... En compétition avec l'Allemagne pour la place de numéro 1 mondial en terme d'exportation, la Chine a été, pendant longtemps, une terre d'accueil pour les sociétés occidentales en pleine délocalisation ; en 2006, les produits estampillés Made in China sont exportés pour près de 21% aux États-Unis (alors que ces derniers contribuaient, la même année, pour 7,48% des importations de la Chine ; total des exportations chinoises 2006 : 752,2 milliards de dollars US ; total des importations chinoises 2006 : 631.8 milliards de dollars US - Sources : CIA World Fact, version du 16 mai 2008). Il est donc choquant que les Américains bloquent les négociations face aux résistances du gouvernement chinois, alors qu'en même temps, ils contribuent à la pollution en Chine par la fabrication des innombrables produits qu'ils consomment!

On le voit, devant tout ça, rien d'étonnant à ce que le Sommet de Copenhague se termine par un échec. Échec d'autant plus cinglant qu'un sentiment de lassitude risque de s'instaurer auprès de la population : "ah quoi bon se mobiliser, les puissants n'en ont que faire".

C'est pourquoi, à la suite des actions comme Earth Hour, 350.org et d'autres, nous tous devons, malgré tout, maintenir la pression et la mobilisation. Car, comme j'ai eu l'occasion de le dire, la sauvegarde de la planète ne se limite pas au climat. La biodiversité et les ressources comme l'eau sont des points très importants sur lesquels notre attention devra se porter de toute urgence. Et en ce qui concerne le climat, le réchauffement climatique n'est pas le seul objet de débat ; les problèmes énergétiques et la dépendance au pétrole doivent occuper également une place centrale dans les discussions. A force d'exercer une pression quotidienne, les mentalités ont commencé à changer. Il faut donc poursuivre l'effort.

Car la révolution écologique qui a contribué à l'établissement du Sommet de Copenhague est, fondamentalement, partie "du bas". Ce ne sont pas les gouvernements où les élites médiatiques qui ont tiré les premiers la sonnette d'alarme. Mais ce sont les scientifiques (comme Rachel Carson dans le cas des pesticides à la fin des années 50), des populations et des collectivités locales (de Bolivie au fin fond des forêts indonésiennes), les altermondialistes et les diverses ONG qui, durant plusieurs décennies, n'ont cessé de dire que notre société, si elle continuait à exploiter et à maltraiter l'environnement, courrait à sa perte!

Je vous donne donc rendez-vous non pas (forcément) à Bonn ou à Mexico-City, mais au prochain Earth-Hour l'année prochaine. Car, aujourd'hui plus que jamais, c'est bien à nous, peuples du monde entier, d'agir!

Bien à vous.

Sandro

lundi 14 décembre 2009

Le tram à Meyrin : il est là, enfin!

Après une série de remous instillés par une mauvaise foi politique d'un autre temps et de pressions de certains milieux économiques peu enclin aux changements, le tram est enfin arrivé à Meyrin, visiblement au bonheur de ses habitants. Voici des images de l'inauguration prises sur le site de la TSR.

http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=500000&bcid=722260#bcid=722260;vid=11598963

Genève avance à petits pas dans sa difficile métamorphose, pour sortir du "tout voiture" si cher à certains ; pour les connaisseurs, relevons que M. Schweizer, l'un des intervenants dans ce reportage, fait précisément parti de ces gens qui, parce qu'ils n'ont pas compris qu'un tram n'est pas un bus (oui, oui) et que, de ce fait, il ne peut pas zigzaguer et s'arrêter devant les allées des immeubles, prétextent que le tracé n'est pas bon (pour couvrir leur désintérêt pour la mobilité alternative, la vraie raison de leur critique). Ah, la politique : trop souvent en retard, et pas que d'un train...

Après l'acceptation du crédit supplémentaire pour le CEVA, cette ligne de tram, reliant la commune péri-urbaine et frontalière de plus de 20'000 habitants qu'est Meyrin au centre-ville de Genève, est la preuve que le contexte "tout-voiture" propre au Canton évolue petit à petit. Reste à terminer les travaux des futurs lignes supplémentaires (TCOB), faire des parkings d'échange aux frontières correctement déservis par les transports publics, à sponsoriser la troisième voie CFF Genève-Lausanne (entre autres) mais aussi d'investir dans le réseau de contournement de Genève (l'architecture du réseau actuel est "en étoile", centrée sur Genève, ce qui n'est pas sans défaut, notamment en ce qui concerne les communes périphériques). Bref, entre résistance dogmatique, mauvaise fois politique et ampleur de la tâche, il reste du pain sur la planche en terme de transport public à Genève. Les choses évoluent, heureusement...

Sandro

Politique (suisse), où le grand sketch de l'hypocrisie, façon "arroseur arrosé"

Curieux-ses du Net, bonjour!

La crise financière semble, selon certains experts financiers, commencer à s'estomper. Le monde bancaire montre des signes de détente : on commence même à revoir des publicités UBS à la télévision suisse! Bien sûr, pour la populace, les conséquences de la crise ne sont pas prêtes de s'arrêter (le chômage est passé de 7 à 7,2 % à Genève en novembre), mais pour les défenseurs politisés de la finance, à Berne ou ailleurs, ainsi que leurs protégés, on a corrigé le système. "On ne fera pas les mêmes erreurs", résument en gros leurs propos univoques. Mais doit-on les croire? Car, pour qu'une erreur ne se répète plus, encore faut-il avoir une mémoire, afin que la dite erreur ne soit plus commise. Et dans ce domaine, les politiciens, suisses en l'occurrence, ont montré leurs limites.

Lors du début de la crise UBS en 2007, de nombreux états ont augmenté leur pression face au secret bancaire suisse, car celui-ci servait, selon eux, comme paravent à l'évasion fiscal. Réponse de la classe politique bourgeoise helvétique à l'époque (et encore après) : "la Suisse fait la distinction entre évasion et fraude fiscale". Ce que d'autres pays, comme la France ou l'Allemagne, ne font pas... Et cette même classe politique, le Parti Libéral-Radical (PLR) en tête (grands portes-parole du monde financier ou bancaire devant l'éternel), s'était violemment offusquée à l'époque contre les attaques que subissait le sacro-saint secret bancaire. Que n'a-t-on pas entendu comme termes durs et propos agressifs, entre "guerre" lancé par les Européens et "ingérence inacceptable" dans le système suisse. La Suisse (qui n'est pas le seul pays à avoir des traitements bancaires "spécifiques") et ses banques subissaient une injustice. Soit!

Fin 2009, un employé de la deuxième banque mondiale s'empare d'un fichier où figureraient les données de "x" fraudeurs du fisc ("x" étant une variable, continuellement revue en fonction des articles de presse). Cet ex-employé, réfugié en France, a expliqué avoir agit par motivation morale. Soit! Mais un vol est un vol ; cet employé a violé la confiance de son employeur, et son action, en Suisse, tomberait sous le coup de la loi. En France, le combat contre l'évasion fiscale est vu (notamment par le très amoral Nicolas Sarkozy) comme une lutte morale. Et, de l'autre côté de la frontière, le gouvernement, par le biais du PLR, accuse la France de bafouer les lois en vigueur.

N'étant pas juriste, loin de moi l'idée de commenter les aspects du droit, d'un côté comme de l'autre, liés à cette suite d'événements. Il y a des accords qui lient les pays entre eux, c'est un fait. Mais cela n'enlève en rien l'hypocrisie manifeste dans cette affaire. Sarkozy, défenseur de la morale? Il n'y a que lui et l'UMP pour y croire! Mais du côté suisse, là où j'habite, je trouve que certains politiciens devrait vraiment tourner 1000 fois leur langue dans leur bouche!

D'une part, on a des citoyens fortunés - français en l'occurence - qui, tout en bénéficiant et utilisant les services fournis par l'état (routes, santé, administrations, etc.), trahissent la "confiance" de cet état et cache une part de leurs avoirs financiers en Suisse (fraude illégale en France), sous couvert du secret bancaire (légal en Suisse). Et les politiques suisses se fâchent, en repoussant d'un revers de main les velléités de la justice française. Mais d'autre part, on a un "contrat de confiance" rompu dans une banque en Suisse, avec des conséquences légales probables, pour le protagoniste comme pour le pays "bénéficiaire" des informations dévoilées (événement illégal en Suisse) ; pour la France, ses informations, obtenues (pour l'heure) sans versement d'argent, seront utilisées dans une lutte morale et nécessaire respectueuse des lois françaises (selon Nicolas Sarkozy).

Même si Nicolas Sarkozy est une hypocrisie à lui tout seul, je ne suis pas en France et ne peux juger du comportement des parlementaires de l'Élysée dans cette affaire. Par contre, en Suisse, on est très régulièrement informé des "coups de gueule" de la classe politique dominante à Berne vis-à-vis de ce différent fiscal. Ces politiciens, PLR pour la plupart, Martine Brunschwig Graf et Fulvio Pelli en tête, en prônant le respect des lois suisses dans cette affaire, ont vite oublié le manque total de respect des lois françaises (et allemandes, etc.) qu'ils ont manifesté lorsqu'il s'agissait de défendre le secret bancaire bec et ongle. Ce manque de "mémoire" (ou d'honnêteté intellectuelle, c'est selon) ne donne, à lui seul, pas des gages rassurants quant à cette soit-disant réforme du système financier international.

Bien sûr, l'idée de la taxe Tobin commence à être mentionnée même chez certains libéraux pur jus (bon, pas en Suisse à ce que je sache). Mais soyons clair, l'incident relaté ci-dessus et l'amnésie bourgeoise relative en terme de respect des lois ne sont que de simples signes d'une poursuite des "bonnes vieilles habitudes" en matière économique et financière. La spéculation reprend, les bonus faramineux reviennent... tout cela alors que les moins bien lotis d'entre nous souffrent et continueront de souffrir encore longtemps des effets pervers du capitalisme incontrôlé. En bref, on "dit les mots qu'il faut" aux médias, on rassure l'électorat, mais on continue, dans le dos, nos "petites affaires".

C'est donc bien un sketch que nous jouent le PLR suisse, celui de l'arroseur arrosé. Si la crise n'avait pas eu des conséquences aussi dramatiques, ce sketch aurait pu faire sourire. Dans les circonstances, celui-ci frise le pathétique! Reste qu'il est piquant d'entendre les représentants politiques des banques en Suisse - traduction : le PLR (mais aussi l'Union Démocratique du Centre "décentré à l'extrême droite") - renier la pertinence des revendications judiciaires du fisc de certains pays européens avec arrogance, à grand coup de terme du type "enfer fiscal", puis quelques années après de voir ces mêmes politiciens appeler au respect des lois suisses dans l'affaire du fichier volé.

Les crises passent, les acteurs comiques restent. Et devant ce sketch de l'arroseur arrosé, ce sont toujours les mêmes qui rient jaune... Non, non, les gens du PLR, ces malheureux qui rient jaune, ce ne sont pas les tradeurs et les banquiers!...

Bien à vous!

Sandro

dimanche 6 décembre 2009

Biodiversité 4 - Endémisme : le symbole Alula

Biodiversité, richesse du vivant

Aloha,

Chaque espèce vivante qui s'éteint, c'est un peu, par rapport à l'ensemble de la nature, comme une flamme dont l'éclat s'amenuise lentement. A l'instar de chaque vie humaine perdue, tout au long des innombrables conflits qui ensanglantent le monde, pertes qui entament chaque fois une part de notre humanité, toute forme de vie qui disparaît sous l'assaut de l'Homme représente un dommage inestimable pour la biodiversité, fragilisant sans cesse un peu plus l'équilibre du vivant sur notre planète.

Cette diminution de biodiversité est très flagrante dans le cas d'espèces, animales ou végétales, qu'on ne trouve qu'à un seul endroit sur Terre. C'est ce que l'on appelle l'endémisme. Lorsqu'une forme de vie est endémique à une région, une île ou un lopin de terre, cela signifie que celle-ci s'y est parfaitement adaptée (conditions de vie, nourriture, etc.). La région concernée étant parfois très réduite, le nombre d'individus est en principe relativement faible. Cette très forte adaptation au milieu, ainsi que le nombre limité d'individus, rend l'écologie de la forme de vie endémique souvent très sensible aux perturbations extérieures. Seulement, si elle vient à disparaître, ceci est définitif puisque, par définition, une espèce endémique n'existe nul part ailleurs.

Un palmier pas comme les autres

Les exemples sont, malheureusement, légions ; actuellement, le rythme d'extinction des espèces est entre 100 et 1000 fois supérieur au taux moyen estimé depuis l'apparition de la vie sur notre planète. Mais, cet état de fait reste assez abstrait auprès du grand public. Un petit tour du côté d'un archipel volcanique du Pacifique illustre cependant cette perte de biodiversité de manière... stupéfiante.

Depuis quelques temps, on peut trouver, chez les distributeurs en botanique, un curieux petit palmier, le palmier d'Hawaï, appelé aussi Alula ou encore, pour les scientifiques, Brighamia insignis. Bien qu'il ne s'agisse pas, à proprement parler, d'un palmier, son allure lui donne indubitablement un petit air de tropique.

Mon palmier hawaïen.

A priori, rien de particulier, me direz-vous. Oui, sauf que cette petite plante aux feuilles bien large est commercialisée suite à un programme de sauvegarde de l'espèce, géré par l'UICN. Car en effet, cette plante est, à l'état naturel, sur le point de disparaître (liste rouge des espèces menacées).

Sur le seuil de l'extinction

A Hawaï, vaste archipel volcanique planté au milieu du Pacifique, patrie d'origine de notre Brighamia, on ne trouvait, en 2007-2008, plus que 7 spécimens sur l'île de Kaua'i! 7 spécimens, pas un de plus! Une grosse tempête, un incendie, rien de bien méchant, et hop! Il n'y a plus de Brighamia sur la Terre. Comme quoi, pour le palmier hawaïen, la vie ne tenait qu'à un fil...

C'est pourquoi les botanistes motivés ont décidé, suite à l'urgence de la situation, d'organiser la sauvegarde de cette plante rare, en diffusant aux quatre coins du monde des graines de Brighamia.



Causes supposées

Plusieurs raisons ont été apportées quant à la situation plus que critique de cette plante de la famille des Campanulacées. Il s'agit d'un cumul de plusieurs facteurs, mais la plupart sont imputables, directement ou indirectement, aux activités humaines. Les explications avancées sont le déboisement et les brûlis, l'effet de la concurrence de plantes envahissantes non-indigènes et des activités d'animaux importés comme la chèvre. On suppose aussi que la disparition vraisemblable du seul pollinisateur de Brighamia - un papion de nuit pas clairement déterminé - aurait porté un coup fatal à l'espèce. Enfin, des facteurs météorologiques (tempêtes) s'ajoutent à ce tableau déjà fort sombre.

Avec le climat, protégeons la biodiversité

Cet exemple illustre la fragilité du monde du vivant. Le cas des espèces endémiques comme notre palmier hawaïen, à l'aire d'existence très réduite (une île) et à l'adaptation très poussée (un seul papillon pollinisateur, une niche écologique particulière) est un exemple très instructif ; on peut facilement mesurer l'impact des perturbations, naturelles ou non, subie par l'espèce, car celle-ci est de répartition très restreinte. Or, lorsqu'une espèce endémique disparaît, c'est pour de bon! Et les espèces que l'on trouve dans plusieurs lieux sur notre planète? Leur disparition localisée n'est pas non plus sans effet, car l'espèce s'inscrit toujours dans une "boucle" - le cycle alimentaire - qui forme comme une chaîne faite de maillons : si un maillon casse, c'est la chaîne entière qui s'en trouve ébranlée.

Le petit palmier hawaïen, à l'instar d'autres espèces moins connues comme le pin de Wollemi (aussi sujet à un programme de conservation similaire), sont les portes-parole silencieux de cette biodiversité si malmenée actuellement. A la veille du sommet de Copenhague, où les puissants de ce monde vont discuter du climat (espérons-le, pas pour des prunes, comme d'habitude...), il est bon de ne pas perdre de l'esprit l'urgence de la situation du point de vue de l'environnement dans sa globalité. Il ne suffit pas de poser des panneaux solaires sur un centre commercial afin de réduire la charge en CO2, si dans le même temps rien n'est fait pour limiter la déforestation (liée au commerce de la viande par exemple), la sur-pêche et le commerce non-équitable (favorisant souvent l'augmentation de la pression sur l'environnement).

Gardons à l'esprit que la biosphère n'est rien d'autres qu'une somme de tous les êtres vivants constituant cette biodiversité. Que ce soit le saumon, le pinson de Darwin, le loup, le lichen ou encore le palmier Brighamia insignis, toutes ses formes de vie ont leur rôle à jouer dans cette biodiversité... comme Homo sapiens. Faisons que le rôle de ce dernier ne se résume pas à la destruction!

A bientôt!

Sandro

Série "biodiversité", chapitre précédent : Biodiversité 3 - Nouvelles espèces découvertes, une nouvelle preuve de la complexité du vivant