mercredi 7 juillet 2010

Syngenta : lancez-lui des tomates!

L'année de la biodiversité, où le réveil de nos consciences face aux délires des industries agro-alimentaires

Bonjour à tous!

Lorsque l'on décrète un jour - ou une année - comme étant le jour (ou l'année) d'une cause particulière, c'est presque toujours le signe que cette cause a encore de la peine à être prise au sérieux ; au mieux reste-t-il encore beaucoup de travail à faire. Mais parfois, cela a au moins l'avantage de rendre audible des revendications, messages et "cris d'alarme" importants autrefois noyés dans l'indifférence de notre société individualiste. C'est le cas de la biodiversité, dont 2010 est l'année officielle. C'est, selon moi, l'une des causes majeures - sinon la principale - pour laquelle notre civilisation devra rapidement trouver des réponses durables, car elle touche tout le monde, sans exception.

Les luttes entreprises contre les agissements de certaines industries envers les êtres humains et l'environnement ne sont pas récentes. Déjà dans les années 50, la scientifique américaine Rachel Carson dénonçait l'impact des pesticides sur les écosystèmes, ce qui déboucha sur l'interdiction du DDT par certains pays dans les décennies qui suivirent. Une longue série de luttes de ce type s'en suivit, controversées parfois tant du point de vue humaniste (DDT et lutte contre le paludisme) que par les intérêts économiques énormes auxquelles elles peuvent s'opposer (OGM et industries agro-alimentaires, nucléaire et pétrole et intérêts géostratégiques et économiques, etc.). Mais si les problèmes soulevés sont souvent très complexes, les recherches scientifiques, notamment en écologie et en économie, couplées à un réseau d'information mondial de plus en plus rapide et performant (voire envahissant...) ont permis de mettre à la lumière du jour un constat que seul des lobbys aveuglés par le profit et de sombres politiciens poussiéreux et endoctrinés, à leurs bottes, peuvent encore ignorer : la Terre est un univers fini, aux ressources finies, rendant incompatible et illusoire toute vision d'une "croissance infinie". Autre constat que la grande variété des canaux d'information rend flagrant et difficile à masquer : une consommation irréfléchie, chez nous, n'est pas sans impact néfaste sur les gens (et la Nature), ici comme ailleurs. En témoigne le comportement de grands groupes industriels comme Monsanto, DuPont... et le suisse Syngenta. Si, selon la Déclaration de Berne, ces sociétés représentent à elles seules près de la moitié du marché mondial des semences, celles-ci se démarquent également par leur comportement... plutôt surprenant!

L'art de contourner les interdits... ou de profiter des plus faibles? Les deux, voyons!

Syngenta est active dans le domaine de la production alimentaire ; elle possède notamment des marques de tomates : la Toscanella et la Kumato. Pour une telle industrie, à l'instar de ses concurrents américains, il semble intéressant de contrôler l'ensemble de la filière, des semences jusqu'aux produits phytosanitaires. Ainsi, Syngenta est à la fois leader en matière de semences et en matière de traitement chimique : le paraquat est un biocide pesticide herbicide, commercialisé par Syngenta. Courant 2007, ce produit, initialement vendu depuis plusieurs années au mépris de sa forte toxicité, pourtant déjà connue, et de son impact néfaste sur l'environnement (la Suisse en a interdit l'usage il y a plus de 20 ans), a été interdit en Europe, suite notamment à des études montrant une corrélation entre l'exposition à ce produit et la maladie de Parkinson.

Plusieurs décennies d'interdiction en Suisse, quelques années en Europe : pas grave, pour Syngenta, les pays du Tiers-Monde représente encore un vaste marché ou vendre leur poison, en parallèle des semences! Ce d'autant plus que ce produit de traitement est bon marché. Le paraquat est donc devenu l'un des herbicides les plus vendus au monde. Et tant pis si sa toxicité et son impact sur l'environnement font de cet article une véritable cochonnerie!

Ainsi, une entreprise lieder dans l'industrie chimique et agro-alimentaire et comptant plus de 25000 employés à travers le monde, fondée dans un pays où le respect des règles et des lois est une vraie marque de fabrique, profite allègrement de la pauvreté des populations du Tiers-Monde pour y vendre un produit phytosanitaire réputé mauvais et polluant, interdit en Europe et dans son propre pays d'origine!

Que faut-il en penser de cela, de tout ce profit engendré sur le dos de la misère, mais surtout du déficit de démocratie et de débats sur la question ou encore du peu d'échos des revendications locales? N'oublions pas que le cas du paraquat n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, OGM en tête, ou la quête de profits astronomiques se fait au prix d'une absence de dialogue et de raccourcis hâtifs!

En tout cas, je vous invite à jeter un œil sur l'article de la Déclaration de Berne à ce sujet ("Attention, ceci n’est pas une tomate normale !"), et surtout de la réponse du groupe helvétique. C'est piquant!

Qu'en penser... si ce n'est de se comporter, enfin, en consommateurs responsables!!!

Quelques grands groupes - Monsanto, Syngenta, DuPont, Aventis - contrôlent le marché des semences. Certains d'entre eux possèdent l'entièreté des semances OGM. Une main-mise où les sociétés, produits éclatants d'un libéralisme sensé prôner la "liberté", ne se compte pourtant que sur les doigts de la main! Devons-nous continuer d'alimenter cet oligopole, restreignant, par le fait-même, notre propre liberté de choix?

Une réponse est pourtant là : la consommation locale où, lorsqu'il s'agit de denrées produites dans le reste du monde, le commerce équitable. Car aujourd'hui, l'information circule. Il n'est plus possible (au moins en théorie) d'ignorer les tragédies d'ici ou d'ailleurs, d'ignorer les conditions de travail dignes de l'esclavage des clandestins dans les champs d'Europe du Sud, d'ignorer les ravages de l'industrie de l'huile de palme en Asie du Sud-Est... comme il n'est plus possible d'effacer les agissements irresponsables de puissants groupes industriels comme Syngenta.

Oui, fêter une cause durant un jour ou une année peut sembler vain parfois, voire futile. Mais force est de constater qu'à l'heure d'Internet, les causes comme la biodiversité et le respect des êtres humains commencent à faire leurs effets, comme de mettre sur la place publique des drames ou des exactions commises "loin de notre regard" non pas seulement par l'unique rôle de dictateurs corrompus, mais également, de temps-en-temps, aussi par des "succes story" industrielles bien de chez nous, jusqu'ici au-dessus de tout soupçon.

Et comme je le dis, par devoir envers les générations futures : poursuivons la lutte pour l'information, afin que de tels agissements ne puissent plus être ignorés, et pour que nos comportements d'individualistes changent!

Bien à vous.

Sandro