lundi 7 janvier 2013

L'épidémie du siècle

Près d'un enfant sur cinq serait touché, en Suisse, par des problèmes de sur-poids. Ce phénomène concerne près de 50 millions d'enfants dans le monde. Dans le 12h30 de la Première de la RTS, la doctoresse Nathalie Farpourt-Lambert, des Hôpitaux Universitaires de Genève, était invitée pour parler de ce qui est considéré comme une véritable épidémie (non infectieuse) [1].

La praticienne aborde les habituelles causes du sur-poids chez les jeunes : inactivité et manque d'exercice physique, mal-bouffe. Mais elle souligne aussi le lien entre cette épidémie et les crises économiques ; à chaque trouble de l'économie mondiale survient une augmentation des cas de sur-poids, notamment chez les enfants. Comme toujours, les plus faibles d’entre nous restent les plus exposés aux errances de notre société si peu encline à l'autocritique.

Hasard de l'actualité, un parallèle troublant - et affligeant - peut d'ailleurs se faire entre les questions de santé publique (en l’occurrence liées à l'obésité des plus jeunes) et le monde de la finance ; d'un côté, peu de lois et d'exigence de transparence existent pour contraindre les industriels à ne plus empoisonner impunément nos enfants et à interdire la publicité de produits alimentaires visant les plus jeunes, et de l'autre, les règles pour contrôler une finance bancaire délirante sont sans cesse amoindries et assouplies [2] [3]. Deux facettes d'une même tendance, celle propre à une société décadente qui, pour fuir ses responsabilités, se cache derrière ses dogmes, et avance pour se faire les principes, aussi ridicules que désuets, du "laisser-faire" ou de la "main invisible". Et tant pis si, au passage, nos enfants en font les frais.

Car, la litanie est toujours la même, que ce soit pour les banques et la finance ou pour l'industrie agro-alimentaire : non intervention de l’État démocratique, concurrence libre et pouvoir total aux marchés. Dès lors, pour la question de l'alimentation, le vide juridique, que la Dr. Farpourt-Lambert affirme, à juste titre, comme étant le corollaire aux gigantesques intérêts économiques en jeu, n'est pas prêt de se combler avec des règles contraignantes et efficaces. A quand une interdiction pure et simple de la publicité de la "mal-bouffe", qui cible fortement les enfants? A quand des règles d’étiquetage encore plus strictes, et des contraintes plus fortes auprès des distributeurs et fabricants - il y aurait, en Suisse, pourtant de quoi faire, entre le duopole de la distribution Coop-Migros, ou des géants de l'agro-business comme Nestlé? A quand une réforme en profondeur du commerce des denrées alimentaires, pour qu'il s'axe d'avantage sur la qualité, la responsabilité sociale et écologique, et la santé publique, que sur la seule quête du profit?

La réponse est évidente, et me met dans une profonde colère : ce ne sera pas de si tôt, surtout avec les politiques et l'idéologie en place. Et, alors que les parents continueront à trimer pour financer l'oligarchie dominante, entre privatisations, loyers astronomiques et temps de travail en hausse, leurs enfants vont continuer à mal s'alimenter. La crise économique n'est d'ailleurs pas prête de s'estomper, tant les requins de la finance se voient régulièrement confortés dans leurs actions. Partant, le désarroi de la population va perdurer, touchant aussi les enfants et les jeunes. Un terreau propice à l'augmentation des cas d'obésité, comme le relève la Dr Farpourt-Lambert.

La spécialiste insiste : le traitement des problèmes de poids chez l'enfant doit se prendre le plus tôt possible. Il est complexe, et va plus loin que "manger cinq fruits et légumes par jour"... Pris trop tard, il est long à résoudre, difficile et coûteux. En ces temps de recherche maladive (et dogmatique) aux économies à tout va, il serait temps de faire de vraies économies, et d'attaquer le problème à la racine! Ce serait plus efficace...

Les exemples de déviances de notre société sont légions. Les banques sont d'inépuisables sources de scandales. Mais les conséquences nous sont parfois trop éloignées pour qu'elles nous touchent. La hausse des niveaux des océans ou la désertification des sols, cela ne nous concerne pas, c'est sûr (tout au plus en période de canicule estivale)! Qui se soucient, de plus, des malheurs de la Grèce (il paraît, d'après nos "penseurs", victime de l'État-providence...), ou, plus loin encore, des craintes des paysans du Tiers-monde face aux OGM ou des miniers africains travaillant pour un grand groupe suisse des matières premières? Mais, la crise ayant de multiples facettes, nous faut-il attendre qu'elle touche nos enfants pour qu'enfin nous réagissions? Le sur-poids des enfants, avec les risques qu'il entraîne plus tard, est pourtant un signe flagrant que la Suisse n'est pas un îlot isolé, protégé des tumultes du monde... de surcroît lorsqu'elle y contribue!

Dès lors, il nous faut prendre nos responsabilités, de parents mais aussi de citoyens! Le "laisser-faire" commence à marquer au fer rouge nos générations futures. Il serait temps de mettre notre fierté et nos certitudes de côté, et de voir si la santé de nos enfants, en l'occurrence, vaut moins que le dogme libéral, cher à nos politiciens.

Pour cela, rien de tel que l'information et la connaissance du problème. Ainsi, pour en savoir plus sur l'épidémie de sur-poids qui touche les enfants, les causes et les moyens à mettre en place, je ne peux donc que vous conseiller, si vous êtes près de Genève le mercredi 9 janvier 2013, de vous rendre à la conférence scientifique organisée par l'Université de Genève et Culture-et-Rencontre à ce sujet [4] :

Obésité de l'enfant : que faire pour lutter contre l'épidémie ?
Mercredi 9 janvier 2013 | 20hAula du collège de Saussure
Vieux chemin d'Onex 9 - 1213 Petit-Lancy
Entrée libre

Parce que les enfants valent mieux que nos dogmes de société! 

Sandro

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Sources et liens :


[2] Les banques saluent l'assouplissement des règles prudentielles de Bâle III, Le Monde et AFP, 6 janvier 2013, http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/01/06/le-comite-de-bale-assouplit-les-regles-de-liquidite-applicables-aux-banques_1813391_3234.html

[3] Réserves bancaires, le Comité de Bâle assouplit son agenda, La Première, RTS, 7 janvier 2013, http://www.rts.ch/audio/la-1ere/programmes/le-12h30/4542858-reserves-bancaires-le-comite-de-bale-assouplit-son-agenda-07-01-2013.html

[4] Obésité de l'enfant : que faire pour lutter contre l'épidémie ?, conférences «Les grands soirs», Hôpitaux Universitaires de Genève, http://www.hug-ge.ch/evenement/obesite-de-lenfant-que-faire-pour-lutter-contre