vendredi 30 octobre 2009

Devoirs scolaires, médias et politique : quelle hyprocrisie!

Curieux-ses du Net,

L'école, en Suisse comme ailleurs, est une source intarissable de débats, tant dans les médias qu'en politique. On peut s'en réjouir, l'école étant, par définition, la base d'une société. Néanmoins, on peut être surpris par certains biais médiatiques affectant ce sujet. Les biais, dans les médias, sont, malheureusement, monnaie courante ; les journalistes ne sont que des êtres humains. Cependant, on pourrait attendre que certaines sources, notamment publiques, puissent montrer un peu plus d'indépendance politique. Je m'explique. Les socialistes zurichois ont proposé de réduire les devoirs à domicile en faveur d'un encadrement en école (sur une heure obligatoire), ceci pour favoriser l'égalité des chances. Mon propos, dans ce billet, n'est pas de dire si cette idée est bonne ou mauvaise ; elle semble diviser le milieu professionnel et, de toute évidence, ne pourrait pas être applicable partout, faute de personnel suffisant. Je désire juste attirer l'attention sur le fait qu'une nouvelle fois l'idéologie dominante semble conduire certains acteurs du débat dans une hypocrisie vraiment honteuse.

En effet, combien de fois entend-t-on ou lit-on que les socialistes "veulent supprimer les devoirs". Quelle interprétation! Il ne me semble pas question de supprimer les devoirs, mais de modifier leur mise en application, par l'instauration d'une heure obligatoire durant laquelle les élèves sont encadrés par des enseignants. Pourquoi diable certains journalistes (par exemple au Grand 8 de la RSR du 30 octobre) s'acharnent à parler de suppression, donnant ainsi une idée fausse auprès du public et, par le fait même, biaisant le débat?

Du côté du politique maintenant. Certains profitent, c'est évident, de ces biais médiatiques pour, soit promouvoir une idée (ok), soit pour cacher certaines réalités que leur idéologie ont entrainé (là, je suis moins d'accord). J'entendais certains intervenants, comme Jean Romain (Radical genevois et membre de l'association Refaire l'Ecole (tiens donc...)), Stephane Garelli (économiste) ou encore Isabelle Chevaley (Ecologie Libérale) parler d'une "déresponsabilisation" des parents ; "on a des enfants ; il faut s'en occuper". Sur le fond, c'est parfaitement exact! L'hypocrisie que je dénonce vient du fait que les mouvements politiques et idéologiques représentés par ces gens prônent en même temps, par exemple, le rallongement des heures d'ouverture des magasins et la sacro-sainte concurrence et la course à la performance. Ces gens nient la prise en compte des "contraintes" familiales liées aux enfants. Les deux parents travaillent, mais les milieux économiques ne se sont pas suffisamment adaptés à cette situation (travail partiel pour les hommes, salaires des femmes, congés paternités (si la femme désire travailler tout de suite), etc.). Les coûts annexes (les loyers et la santé notamment qui, pour la plupart des gens, représentent les principaux frais mensuels, ne l'oublions pas) obligent les parents à plus travailler. Et ne parlons pas des familles mono-parentales... Quand à cette course vers toujours plus de concurrence et de performance professionnelle, qui va souvent bien au-delà de l'éthique réelle de certains patrons, qui font leur job, mais qui est le but ultime des associations comme économiesuisse, elle pousse aussi aux heures supplémentaires.

Dès lors, parler de déresponsabilisation des parents, alors que, de l'autre côté, on leur demande de plus travailler me paraît d'une malhonnêteté sans borne. Je me demande comment une caissière, revenant chez elle du travaille à 22h, pourra encore s'occuper des devoirs de son ou de ses enfants. Tout le monde n'a pas les moyens de se payer une nounou! Il serait bon que, pour une fois, l'économie se mette au service des êtres humains, et se plie d'avantage aux contraintes familiales (jusqu'ici, c'est toujours le contraire...).

Bien sûr, cette proposition socialiste est tout sauf une solution miracle. Certains pédagogues sont d'ailleurs assez sceptiques. Les études surveillées existent déjà, notamment à Genève ; peut-être suffisent-elles ou doivent-elles être mieux valorisées! Et les devoirs, quand ceux-ci sont "intelligents" (donc, pas limités à de simples "travaux pas terminés en classe"), ont un véritable sens, et les réaliser à la maison, avec une aide de la famille, a beaucoup d'intérêts, tant au niveau de l'enfant - qui se sent soutenu par ses proches - qu'au niveau des parents - passer du temps avec son enfant, échanger et communiquer. Mais la proposition du parti socialiste de la ville de Zürich a au moins le mérite de souligner la difficulté actuelle des parents à assumer leur rôle, tant les pressions économiques et professionnelles sont fortes et souvent incompatibles avec les responsabilités envers leur progéniture. Elle a dès lors l'intérêt de montrer une nouvelle fois l'incohérence du monde politique, qui d'un côté veut toujours plus d'engagement professionnel par le soutien au rallongement des heures de travail dans le commerce notamment, et de l'autre refuse d'allouer des moyens supplémentaires à la formation, notamment dans le primaire (fermeture de classes, embauche insuffisante de personnel d'encadrement). Dès lors, il y a bien un risque d'inégalité en fonction des catégories de population. Et même si "l'égalitarisme" dans l'enseignement peut avoir ses limites pratiques (il faut accepter le fait qu'il y ait des surdoués et des "cancres", et chacune de ses "catégories" doit pouvoir recevoir un encadrement spécialisé adéquat), il ne faut pas tomber dans l'extrême, en oubliant les responsabilités que notre société tournée vers la performance possède : des familles de plus en plus sous pression devant des exigences contradictoires! Quand j'entends discourir quelqu'un comme Jean Romain, je ne peux que rester sans voix devant autant de dogmatisme ; peut-être que ce philosophe a vécu dans une grotte, l'ayant coupé des réalités du monde d'aujourd'hui... On frise le populisme ou, tout du moins, la malhonnêteté intellectuelle, et c'est fort regrettable!

Alors, messieurs les journalistes et politiciens, discutons du facteur pédagogique de cette proposition avec de bons arguments, honnêtes et constructifs! Mais bon, de nos jours, le sérieux et le respect ne sont plus des valeurs qui portent en politique. Nos enfants apprécieront...

Bien à vous.

Sandro

mardi 20 octobre 2009

Actions "350" du samedi 24 octobre - symboliques mais nécessaires

Curieux-ses du Net, bonjour (ou bonsoir)

Dieu sait à quel point l'écologiste que je suis n'en demeure pas moins critique face à certains détails de l'argumentaire de quelques organisations de lobbying pour la préparation du Sommet de Copenhague de fin d'année, comme 350.org (voir ce commentaire). Il n'empêche, les prévisions sont bien sombres, et la nécessité de rappeler l'urgence climatique (sur fond de défense de l'environnement), tant du point de vue des politiques que des populations, reste d'actualité.

Les propos de 350.org et d'autres ONG sont les suivants : d'ici 2100, nous devons ramener le taux de CO2 dans l'atmosphère à 350 ppm (parties par million), sans quoi le réchauffement climatique risque d'entraîner un désastre pour l'humanité (avant la révolution industrielle, le taux de CO2 était de 280 ppm). Actuellement, ce taux est de 387 ppm, et augmente de 3 ppm par an. De gros efforts doivent donc être entrepris, et vite!

Dans ce but, des manifestations seront organisées partout dans le monde (notamment à Genève) ce samedi 24 octobre, autour du nombre "350". Ces manifestations, dans le prolongement, entre autre, de Earth Hour, sont certes symboliques. Même si elles visent les participants au Sommet de Copenhague, il n'est pas certain que ces derniers soient très sensibles à ce genre de manifestation. Cela dit, ne rien faire serait également ajouter de l'eau au moulin des partisans de l'immobilisme!

De plus, ces actions, lorsqu'elles sont correctement relayées par les médias, ont aussi un impact sur le public. Elles incitent les gens, non pas seulement de parler d'environnement, mais aussi de s'engager pour sa protection. Dès lors, la symbolique de cet événement de samedi,et le potentiel désintérêt de certains dirigeants à tendance néolibérale et conservatrice n'enlèvent en rien son importance. A l'instar du minuscule polype qui édifie de gigantesques récifs de corail, ce sont de petits gestes quotidiens, alliés notamment à des manifestations citoyennes de ce type, qui participeront, sans doute, au changement des mentalités.

Dès lors, manifestons notre soutien à une politique climatique responsable pour le sommet de Copenhague ; le 24 octobre, faisons passer le message suivant : "l'avenir sera à 350, ou ne sera pas!"

Bien à vous.

Sandro

dimanche 11 octobre 2009

Une claque pour Genève

Le brun, nouvelle couleur de la politique genevoise?

Bonjour à toutes et tous,

La campagne des élections du Grand Conseil genevois a pris une tournure presque internationale ; les populistes de tout poil se sont battus à grand coup de messages discriminatoires, colorant la campagne d'une tinte brunâtre, signe de temps que l'on croyait naïvement révolus. En témoignent les divers messages électoralistes où les étrangers et les frontaliers français, comparés à des criminels, ont été les principales cibles. Ce dimanche 11 octobre, cette bien triste campagne a trouvé son épilogue... à sa hauteur.

Plébiscite des populistes

Le résultat est tombé, brutal : les populistes remportent une victoire incroyable, et gagnent 8 sièges, devenant la troisième force politique du canton en terme de pourcentage (derrière les Verts), et la deuxième en terme de sièges (avec les Verts), avec 17 sièges. C'est une claque pour la Genève internationale, et un signe d'un profond désintérêt de la population pour la politique, mais surtout pour les conséquences qu'un tel vote irréfléchi peut avoir pour la société.

Car comment peut-on donner un quelconque crédit à ces gens? En effet, il est piquant de constater le vide astronomique qui accompagne le bilan des populistes, qui ne sont au final qu'en perpétuelle campagne mais qui sont, par contre, peu prolixe (le mot est faible) en terme de travail institutionnel. "Amusant" de voir que ces mêmes populistes, s'affichant comme les dépositaires des seules réformes efficaces pour l'école publique - et prêts à décerner des bonnets d'âne à certains responsables de la formation à Genève - puissent sans honte placer des affiches sur les bus où l'on pouvait lire "un grand coup de balais"... Les électeurs populistes ont dû souffrir d'un vrai déficit en orthographe, ou sont-ils si aveuglés par leur haine de l'autre qu'ils ne savent plus lire? Le populisme genevois, ou l'art d'être sali par plus sale que soit! C'est sûr que lorsqu'on entend le pompeux président des populistes parler de "cécité visuelle", on comprend que l'usage du dictionnaire puisse être décrit, chez eux, comme un événement aussi rare que la pluie dans la Vallée de la Mort du désert de l'Atacama au Chili! Révoltant de constater, également, qu'un parti stigmatisant et insultant les frontaliers puisse, dans le même temps, "excuser" l'un de ces candidats qui, propriétaire d'une boulangerie, emploie plus de 80% d'employés frontaliers (c'est sûr, il n'y a pas d'employé au chômage apte à travailler en boulangerie à Genève, tout le monde le sait).

Mais alors, comment les habitants de la ville accueillant nombre d'ONG et d'organisations internationales, ouverte sur le monde, ont pu tomber dans un piège aux relents si nauséabonds que celui tendu par les populistes?

Les feuilles de chou, la droite dure et une partie de l'extrême gauche, meilleures alliées des populistes

Premièrement, la politique devient de plus en plus "poeple". Plus besoin de programme solide, plus besoin de travail de fond. Il suffit d'avoir de la gueule, de crier plus fort que l'autre. Sans plus! Les médias aiment cela, et offrent, parfois à leur corps défendant, une publicité quasi gratuite à ces mouvements populistes. L'honnêteté, le travail critique et la réflexion ne sont décidément plus des valeurs intéressantes dans notre société. Certainement un signe expliquant pourquoi certaines choses ne vont pas!

Mais paradoxalement, les premiers coupables sont certains partis gouvernementaux, les Libéraux-Radicaux (PLR) en tête. En effet, les populistes ont surfé sur la vague du sentiment d'insécurité, sentiment fortement exploité par les partis de droite. Ces derniers ont attisé le feu, et celui-ci est devenu, grâce aux populistes, hors de contrôle. Le parti des lumières du conservatisme néolibéral - Pierre Weiss et autres Halpérin et Jornot - a oublié une chose : en refusant d'allouer plus de moyen à l'État pour que celui-ci embauche plus de policiers et mette en place une police de proximité, il a une part non négligeable de responsabilité dans ce sentiment d'insécurité ; trop occupé à préparer les élections au Conseil d'État (à majorité "de gauche") et, ainsi, à charger le responsable de ce soit-disant état de fait - le socialiste Laurent Moutinot - , les flamboyants libéraux genevois n'ont pas remarqué qu'ils déroulaient en même temps un tapis rouge aux populistes.

Mais la droite n'est pas seule en cause. L'extrême gauche - qui n'a, parfois, de gauche que le nom - doit aussi plaider coupable. Si les membres de SolidaritéS-Parti du Travail (SolidaritéS-Pdt) se sont intelligemment réunis, des dissidents de la carrure de Christian Grobet et Salika Wenger ont fait liste à part, pénalisant la gauche de la gauche et la faisant passer, une fois de plus, sous le quorum de 7%! En outre, la stigmatisation des étrangers et frontaliers y est devenu également un nouveau slogan. Et même dans les rangs du Pdt, on se demande si, à l'image d'Andrea Riman à Meyrin, des espions de l'extrême droite et des populistes vainqueurs aujourd'hui n'ont pas infiltrés le parti de la gauche de la gauche (il faut savoir que, dans cette commune genevoise, extrême gauche et extrême droite semblent partager, plus que de raison, des opinions semblables...).

Défaite des sponsors de la crise, une maigre consolation

Les coupables semblent donc facilement identifiables. Et ce soir, maigre consolation, ils en paient les frais. La liste des Ainés de Christian Grobet est loin du quorum, et le coup de poignard dans le dos infligé à SolidaritéS-Pdt fera, je l'espère, tomber des têtes. Définitivement!

De l'autre côté, les (néo)libéraux essuient une défaite historique, en perdant 3 sièges. Les défenseurs acharnés du capitalisme et du monde financier ont pris une raclée, ceci alors que leur campagne a été l'une des plus voyante. Une correction bien venue, lorsque l'on sait l'arrogance de plusieurs de ses membres vis-à-vis des crises actuelles, de l'écologie et des petites gens. Quant à dire si cette défaite clouera le bec de certains sociologues de pacotille et autres avocats richissimes... je ne suis pas si naïf que cela.

Et pour nous, "frontaliers" d'ici et d'ailleurs, travailleurs, parents aux fins de mois difficiles, enfants en quête de repères, y-a-t-il de quoi se consoler à la suite de ces élections? Je crains que non ; plus que certains fossiles politiques, c'est nous qui paieront les frais. Bien sûr, les forces progressistes s'en sont sortis mieux que les partis bourgeois : les Verts ont gagné 1 siège (17), devenant la première force de gauche du Canton (première suisse romande) et les Socialistes perdent 2 sièges (15) mais limitent la casse (alors que, de l'autre côté, tous les partis de l'Entente bourgeoise sont perdants, les Radicaux et le Parti Démocrate Chrétien perdant chacun 1 siège (11 sièges chacun), les (néo)libéraux 3 sièges (20) et l'UDC blocherienne 2 sièges (9), très bonne nouvelle cela dit). Mais avec des populistes, devenus arbitres avec 17 sièges au parlement, mais qui n'ont fait que de brasser de l'air jusqu'ici, difficile d'envisager, du point de vue du peuple de la région franco-valdo-genevoise, la prochaine législature de manière sereine. Finalement, ce sont bien les politicards qui se gaussent ce soir ; la population, elle, pleurera ces prochaines quatre années.

La conclusion à tirer : informons et résistons!

On peut faire un parallèle intéressant. Le populisme genevois, qui a honteusement triomphé aujourd'hui, n'est, somme toute, que le résultat d'une dégradation de l'information en général. Plus personne ne prend la peine de réfléchir, tant au niveau de l'information que de la politique. Seul le rapide, le clinquant et le bruyant intéressent de nos jours. On s'acharne à corriger le problème, plutôt qu'à s'attaquer aux causes du problème. Le déclin de la presse d'investigation et le "succès" de la presse gratuite (à Genève, le GHI, gouffre intellectuel, en est l'exemple type) est allé de paire avec un nouveau populisme, basé sur une campagne sans fin (slogans, coups d'éclat, etc.) sans aucun travail de fond. Encore une fois, le travail des citoyens, associations, ONG et partis politiques progressistes doit se reposer sur l'éducation et l'information. C'est peut-être trivial, mais devant l'abrutissement que l'on subit par la presse de boulevard, ce point est d'une actualité flagrante : l'éducation a repoussé sans cesse les bêtises telles que le créationnisme ou encore le racisme (bien qu'il y a, malheureusement, des résistances...) ; il repoussera sans doute aussi le populisme qui, aujourd'hui, défigure Genève.

Le président du mouvement qui a gagné aujourd'hui disait que c'était "une victoire pour Genève". Un membre de l'UDC, concurrente, déclarait, entre deux grossièretés, qu'il fallait "respecter les 15% qui ont voté" pour ce mouvement. OK, pour autant que ces mêmes 6% de la population (40% de taux de participation) et les membres élus des populistes respectent, eux aussi, non seulement les 94% de la population qui n'ont pas voté pour eux, mais aussi les habitants de la région franco-valdo-genevoise qui n'ont pas eu droit au chapitre mais qui, dans sa majorité, tous les jours, participent à la prospérité de Genève.

Il est de notre devoir à tous, nous citoyens du monde, de veiller à ce que la ligne rouge, trop souvent franchie par les populistes genevois de tous bords, soit respectée. Aujourd'hui, l'écologiste que je suis est triste. Je suis inquiet que la situation politique de ces prochains quatre ans ne plonge les démunis et les "sans-voix" de notre société encore plus dans le désarroi, même si l'absence de travail concret finira, tôt ou tard, par classer ces populistes au titre d'espèce disparue! C'est pourquoi il nous faut résister, dans l'intelligence et avec nos moyens. Ne laissons pas la racaille politique pourrir notre région! C'est mon coup de gueule.

Résistons, tous ensemble, avec intelligence!

Bien à vous!

Sandro


mardi 6 octobre 2009

Quand le bateau coule, doit-on continuer aveuglément de danser?

Bonjour, curieux-ses du Net,

Demain, mercredi 7 octobre, marque la sortie en salle du film le Syndrome du Titanic. En voici la bande-annonce.



Le film est réalisé par Jean-Albert Lièvre et Nicolas Hulot. Ce dernier, bien connu pour son émission Ushuaïa, marque ainsi son retour sur la scène médiatique. Le film est plus sombre que celui de Yann Arthus-Bertrand, où la beauté des images constituait le moteur de la démarche de sensibilisation. Ici, le but semble de secouer les esprits, plongés dans une léthargie intellectuelle que toute bonne société néolibérale se doit de maintenir. L'idée est bien résumée dans cette phrase : "... le superflu des uns est sans limite, tandis que l'essentiel des autres n'est même pas satisfait". Car les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas les seules en cause dans les bouleversements écologiques que la Terre subit actuellement ; les déséquilibres de richesse et les flux commerciaux, amenant son flot de déforestation, pillage des ressources et destruction de la biodiversité, sont aussi en cause. La piste pour une protection durable de notre environnement, locale comme globale, passe inévitablement par une prise en compte des êtres humains, non pas au niveau de lobbys égoïstes (un chasseur pigmé, qui ne prélève que le strict nécessaire à sa subsistance, ne peut être comparé à un chasseur européen, semble-t-il plus attiré par le sang que par la sauvegarde de la nature), mais bien au niveau culturel et des libertés fondamentales.

Bien sûr, le sponsoring de Nicolat Hulot a de quoi déconcerter, dans ce discours de remise en question de notre société de consommation. J'avoue avoir de la peine - le mot est faible - à comprendre que des sociétés comme TF1 ou EDF puissent être appelées et soutenir pareil projet. Pour les exemples cités, on peut apprécier le niveau de la première chaîne française - émissions culturelles "élevées" comme Secret Story, informations impartiales... mais quand même pro-"gouvernement en place", etc. - , surtout lorsqu'on sait qu'un des PDG, Patrick Le Lay, avait déclaré, en 2004, que TF1 n'avait comme seul but de base "d'aider Coca-Cola, par exemple, à vendre ses produits". Quant à EDF, son soutien inconditionnel à l'énergie nucléaire, symbole, qu'on le veuille ou non, de la société consumériste, rend son appui aux projets de M. Hulot ambigu. La filière nucléaire, avec ses rendements globaux assez médiocres (enrichissement, réacteur, recyclage, etc.) et les problèmes humains liés à l'extraction et au retraitement du combustible, sont précisément l'un des très nombreux symptômes d'une société aveuglée par le "toujours-plus", continuant à danser sur une illusion d'abondance, alors que la planète (qui est un volume fini) est en train de couler. Cela rappelle étrangement l'histoire du Titanic...

Alors, que penser de ce film, ainsi sponsorisé? Nicolas Hulot n'est pas un scientifique, mais un metteur en scène, de formation journalistique. Sa vision du monde, comme il le dit, s'est profondément modifiée avec le temps. S'il s'est entouré de noms "peu recommandables écologiquement et éthiquement" de l'industrie et des médias, il a surtout donné la parole, au cours de ses programmes, à bon nombre de scientifiques et d'experts, certains de renom, d'autres plus anonymes mais non moins compétents (Jacques-Marie Bardintzeff, Laurent Ballesta, Patrick Blanc, etc.), ceci à grand renfort de moyens. Du reste, le message de Nicolas Hulot a eu, c'est certain, un impact considérable dans le public ces dernières années. C'est clair, M. Hulot dérange les écologistes, moi y compris. Par le passé, il a fait preuve de naïveté vis-à-vis du politique, notamment par son Pacte Écologique. Ses émissions sont parfois, à mon goût, trop centrés sur lui-même et ses performances sportives. Il commet quelques erreurs scientifiques (non, il est imparfait de qualifier le corail de végétation...). Et sa propension à utiliser des moyens de locomotion polluants, bien que rationnellement compréhensible, ne lui a pas amené que de la sympathie.parmi les défenseurs de la Nature. Mais les propos de Nicolas Hulot, demandant plus de respects pour les populations humaines et l'environnement et une véritable prise de conscience sur l'écologie, auraient-ils rencontré le même succès s'il avait parcouru le monde à pied, seul, ne réalisant qu'une émission toutes les deux années et en diffusant ses mêmes propos sur des médias associatifs? En parallèle, est-ce que "s'affilier avec le diable" pour mieux le vaincre n'est-il pas la meilleure solution pour encrer durablement la sauvegarde de l'environnement dans nos habitudes? Est-ce une preuve de courage ou de naïveté? Peut-être un peu des deux... Dès lors, à l'instar de Home, il est important de prendre le message du film Le Syndrome du Titanic en considération, en faisant abstraction du contexte de sponsoring (mais en ne l'occultant pas pour autant). Si, jour après jour, nous mettons en pratique des comportements plus éthiques, aptes à enrayer le processus sans issu actuellement à l'œuvre, ces sponsors seront bien vite confrontés aux réalités, celles liées au fait qu'une croissance infinie dans un monde fini n'est qu'une illusion, fruit de la bêtise néolibérale. Discutons plutôt des plus de ce film (un message moins "idéaliste" peut-être plus efficace) et des moins (une voix-off apparemment trop présente, mais aucune place aux propos des gens plongés dans la misère). Et enlevons nos œillères idéologiques, qui nous bloquent dans la démarche seine de la remise en question de nos propres modes de vie.

Le bateau coule. Il faudrait peut-être colmater les brèches, avoir le courage de réfléchir à des méthodes pour freiner cela, plutôt que continuer à danser égoïstement sur la musique enivrante du néolibéralisme, pendant que les mécaniciens, matelots et passagers de troisième classe sont déjà en train de se noyer!

Bien à vous!

Sandro