mardi 6 octobre 2009

Quand le bateau coule, doit-on continuer aveuglément de danser?

Bonjour, curieux-ses du Net,

Demain, mercredi 7 octobre, marque la sortie en salle du film le Syndrome du Titanic. En voici la bande-annonce.



Le film est réalisé par Jean-Albert Lièvre et Nicolas Hulot. Ce dernier, bien connu pour son émission Ushuaïa, marque ainsi son retour sur la scène médiatique. Le film est plus sombre que celui de Yann Arthus-Bertrand, où la beauté des images constituait le moteur de la démarche de sensibilisation. Ici, le but semble de secouer les esprits, plongés dans une léthargie intellectuelle que toute bonne société néolibérale se doit de maintenir. L'idée est bien résumée dans cette phrase : "... le superflu des uns est sans limite, tandis que l'essentiel des autres n'est même pas satisfait". Car les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas les seules en cause dans les bouleversements écologiques que la Terre subit actuellement ; les déséquilibres de richesse et les flux commerciaux, amenant son flot de déforestation, pillage des ressources et destruction de la biodiversité, sont aussi en cause. La piste pour une protection durable de notre environnement, locale comme globale, passe inévitablement par une prise en compte des êtres humains, non pas au niveau de lobbys égoïstes (un chasseur pigmé, qui ne prélève que le strict nécessaire à sa subsistance, ne peut être comparé à un chasseur européen, semble-t-il plus attiré par le sang que par la sauvegarde de la nature), mais bien au niveau culturel et des libertés fondamentales.

Bien sûr, le sponsoring de Nicolat Hulot a de quoi déconcerter, dans ce discours de remise en question de notre société de consommation. J'avoue avoir de la peine - le mot est faible - à comprendre que des sociétés comme TF1 ou EDF puissent être appelées et soutenir pareil projet. Pour les exemples cités, on peut apprécier le niveau de la première chaîne française - émissions culturelles "élevées" comme Secret Story, informations impartiales... mais quand même pro-"gouvernement en place", etc. - , surtout lorsqu'on sait qu'un des PDG, Patrick Le Lay, avait déclaré, en 2004, que TF1 n'avait comme seul but de base "d'aider Coca-Cola, par exemple, à vendre ses produits". Quant à EDF, son soutien inconditionnel à l'énergie nucléaire, symbole, qu'on le veuille ou non, de la société consumériste, rend son appui aux projets de M. Hulot ambigu. La filière nucléaire, avec ses rendements globaux assez médiocres (enrichissement, réacteur, recyclage, etc.) et les problèmes humains liés à l'extraction et au retraitement du combustible, sont précisément l'un des très nombreux symptômes d'une société aveuglée par le "toujours-plus", continuant à danser sur une illusion d'abondance, alors que la planète (qui est un volume fini) est en train de couler. Cela rappelle étrangement l'histoire du Titanic...

Alors, que penser de ce film, ainsi sponsorisé? Nicolas Hulot n'est pas un scientifique, mais un metteur en scène, de formation journalistique. Sa vision du monde, comme il le dit, s'est profondément modifiée avec le temps. S'il s'est entouré de noms "peu recommandables écologiquement et éthiquement" de l'industrie et des médias, il a surtout donné la parole, au cours de ses programmes, à bon nombre de scientifiques et d'experts, certains de renom, d'autres plus anonymes mais non moins compétents (Jacques-Marie Bardintzeff, Laurent Ballesta, Patrick Blanc, etc.), ceci à grand renfort de moyens. Du reste, le message de Nicolas Hulot a eu, c'est certain, un impact considérable dans le public ces dernières années. C'est clair, M. Hulot dérange les écologistes, moi y compris. Par le passé, il a fait preuve de naïveté vis-à-vis du politique, notamment par son Pacte Écologique. Ses émissions sont parfois, à mon goût, trop centrés sur lui-même et ses performances sportives. Il commet quelques erreurs scientifiques (non, il est imparfait de qualifier le corail de végétation...). Et sa propension à utiliser des moyens de locomotion polluants, bien que rationnellement compréhensible, ne lui a pas amené que de la sympathie.parmi les défenseurs de la Nature. Mais les propos de Nicolas Hulot, demandant plus de respects pour les populations humaines et l'environnement et une véritable prise de conscience sur l'écologie, auraient-ils rencontré le même succès s'il avait parcouru le monde à pied, seul, ne réalisant qu'une émission toutes les deux années et en diffusant ses mêmes propos sur des médias associatifs? En parallèle, est-ce que "s'affilier avec le diable" pour mieux le vaincre n'est-il pas la meilleure solution pour encrer durablement la sauvegarde de l'environnement dans nos habitudes? Est-ce une preuve de courage ou de naïveté? Peut-être un peu des deux... Dès lors, à l'instar de Home, il est important de prendre le message du film Le Syndrome du Titanic en considération, en faisant abstraction du contexte de sponsoring (mais en ne l'occultant pas pour autant). Si, jour après jour, nous mettons en pratique des comportements plus éthiques, aptes à enrayer le processus sans issu actuellement à l'œuvre, ces sponsors seront bien vite confrontés aux réalités, celles liées au fait qu'une croissance infinie dans un monde fini n'est qu'une illusion, fruit de la bêtise néolibérale. Discutons plutôt des plus de ce film (un message moins "idéaliste" peut-être plus efficace) et des moins (une voix-off apparemment trop présente, mais aucune place aux propos des gens plongés dans la misère). Et enlevons nos œillères idéologiques, qui nous bloquent dans la démarche seine de la remise en question de nos propres modes de vie.

Le bateau coule. Il faudrait peut-être colmater les brèches, avoir le courage de réfléchir à des méthodes pour freiner cela, plutôt que continuer à danser égoïstement sur la musique enivrante du néolibéralisme, pendant que les mécaniciens, matelots et passagers de troisième classe sont déjà en train de se noyer!

Bien à vous!

Sandro


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