dimanche 6 octobre 2013

6 octobre, Genève a son aube dorée

Image : Martial Trezzini/Keystone, RTS (http://www.rts.ch/info/regions/geneve/5266903-taux-de-participation-de-28-a-deux-jours-des-elections-genevoises.html)


Je m'étais promis de ne pas commenter les votations cantonales genevoises de ce 6 octobre 2013, tant le résultat était prévisible. Et bien non, je n'ai pu me retenir, ni même attendre la publication des chiffres officiels ; quelque puissent être ces chiffres, la tendance, claire et sans appel, est là : près d'un tiers du gouvernement est à l'extrême droite!

Et j'ai honte. Honte de cette politique genevoise, cumulant les âneries. Honte de cette droite "libérale", qui ose encore se définir humaniste, mais qui depuis une bonne décennie, forte de sa majorité, s'est déconnectée de la population pour se rapprocher de l'élite oligarchique économique, et a déroulé le tapis rouge à l'extrême droite, à coup d'austérité, de politique "sécuritaire" et de diabolisation de l'étranger migrant. Il est fort à parier qu'après la déconfiture de ce 6 octobre, cette droite libérale va continuer, à l'instar de ce que racontait un conseiller d'état PLR vaudois, à singer l'extrême droite. Mais comme on dit, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis...

J'ai honte de cette gauche (dont certains amis Facebook appellent très justement la "drauche" ou "groite") qui, sous prétexte d'être minoritaire, a trop concédé, trop avalé de couleuvres, trop fait de concessions, pour rester crédible, tant à sa base qu'auprès des abstentionnistes. On ne peut lutter contre la pollution, contre les inégalités sociales ou pour les droits humains, si dans le même temps, on tolère la présence de multinationales du négoce de matières premières (pétrole, etc.) à coup d’allègements fiscaux, ou que l'on défende, d'une manière ou d'une autre, la croissance. J'ai honte de cette gauche molle, verte et socialiste, qui a sombré dans l'illusion du "centre", tombant ainsi dans le piège de ce que certains politologues appellent à raison "l'hyper-centre", nouvel extrémisme du paysage politique.

J'ai honte aussi de cette gauche de la gauche, dont les crises d’ego à répétition ont laissé sur le carreau, depuis 8 ans, près d'une quinzaine de pour-cents des votants, permettant au cancer de l'extrême droite de s'installer pour durer. La gauche de la gauche la plus bête du monde, qu'on disait. Heureusement, cette gauche de la gauche a, apparemment, appris de ses erreurs et, enfin unie, pourrait bien sauver les meubles en entrant au Grand conseil ; reste qu'avec environ 8%, on reste encore loin des scores potentiels des années précédentes. Le mal est fait!

J'ai honte de cette abstention. Plus de 60% des citoyennes et citoyens genevois n'ont même pas daigné faire un acte "citoyen" d'une simplicité pourtant enfantine : glisser deux listes (même neutres) dans une enveloppe, et l'envoyer (sans frais) par la poste. Dans un canton connu nationalement comme étant celui des râleurs, on ne se bouge pourtant pas beaucoup pour corriger le tir. Il en résulte que Genève ne change pas et reste à droite. Où si, quand même un peu : elle plonge encore un peu plus dans la vague brune.

J'ai honte de ces médias locaux ou nationaux (le porte parole des populistes le GHI, la Tribune de Genève, le Matin, le gratuit 20 Minutes) d'avoir délaissé leur rôle de contre-pouvoir, d'avoir abandonné l'information de fond, l'enquête journalistique et la critique du pouvoir. Un candidat d'Ensemble à Gauche a eu beau de pousser un coup de gueule juste sur le plateau de la Radio Télévision Suisse, dénonçant les biais démocratiques des débats organisés par la chaîne publique, l'écho que ce coup de gueule aurait mérité a été faible. Pourtant, la presse locale comme suisse baisse de qualité, la mainmise des intérêts économiques (Tamedia, etc.) étant forte. Maintenant, à l'image de la Tribune de Genève et de sa rédaction, on ne cherche plus à savoir si les peurs de la population sont fondées ou non ; pour garder des parts de marché, on ne fait donc que de suivre ces peurs. Banquiers, financiers et autres avocats d'affaire (pourtant nombreux parmi les cadres d'un parti d'extrême droite qui cartonne à Genève) peuvent continuer à jouer impunément avec les fortunes de l'oligarchie, lui permettant d'échapper à ses devoirs civiques. La place économique genevoise peut continuer à appauvrir le monde en jouant avec ses ressources, et tant pis si des gens se voient contraints d'émigrer pour cela. Tout va bien à Genève : l'emploi est bon ... et on ne parle pas trop de l'explosion des aides sociales, du cas Gate Gourmet, des Emplois de Solidarités ou des grèves à l'Office Cantonal de l'Emploi. Pour ne donner que ces exemples... Et bien sûr, il se trouve des journalistes star des médias genevois, comme Pascal Decaillet, pour se réjouir du triomphe de l'extrême droite... Tout est dit!

Enfin, j'ai honte de ce canton et de ses citoyens! Dans une région où, jusqu'ici du moins, l'éducation et la formation fonctionnaient encore pas trop mal, il est insensé de voir les partis de l'ignorance, les partis les plus xénophobes, les partis où la culture brille par son absence, être portés à la majorité comme ceci. Mais, dans une société où la publicité est toute puissante, où la consommation compulsive est une raison de vivre (nous poussant à accepter bêtement des libéralisations d'ouvertures de magasin par exemple), et où Nabilla est plus médiatisée que l'érosion de la biodiversité ou la souffrance chronique due aux politiques d'austérité budgétaire, nous avons peut-être là, sous nos yeux, la preuve de l'abrutissement de notre population par le dogme ultralibéral. Et bien oui, la publicité et le consumérisme nous ayant rendu suffisamment con pour acheter tout et n'importe quoi, ils nous ont aussi rendu assez con pour voter comme nous l'avons fait ce dimanche 6 octobre!

Mais au fond, comme je le relevais dans mon billet Vague brune, on peut se poser une question : qui, en Europe, peut ne pas connaître cette honte de voir l'Histoire, la sale Histoire, se répéter? Partout, dans cette Europe, l'extrême droite gagne du terrain. Après les Juifs des années 30, ce sont les Roms, migrants, musulmans ou encore les frontaliers qui sont venus les remplacer sur l'autel des vindictes populaires. Ironie du sort, cette même Europe, qui a eu l'honneur, parfaitement déplacé et injustifié, de recevoir le Prix Nobel de la Paix, vient d'être éclaboussée par la tragédie de Lampedusa (une de plus), soulignant les dérives de cette coupable politique du repli sur soi. Qu'importe : après la Grèce et son Aube dorée ou l'Autriche et son FPÖ, Genève vient de redonner confiance, pour cinq ans, à l'extrême droite xénophobe. La région des institutions internationales, perd définitivement son titre d'ouverture sur le monde.

J'ai lu quelque part qu'en Occident, le confort, la stabilité et la paix avait une bizarre tendance à enfanter la connerie. La richissime Genève, en mettant à la majorité le Mouvement Citoyen Genevois, l'UDC et leur cohorte d'avocats d'affaire travaillant ou ayant travaillé avec des sociétés offshore, de financiers proches des banques ou de copains de propriétaires immobiliers, vient d'en donner une spectaculaire illustration!

Sandro Loi




5 commentaires:

  1. Si ça continue, on ira cuver notre honte dans un asile de vieux, au Maroc ou dans un container près de l'aéroport. Quelle misère.

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  2. Un excellent argumentaire en faveur du vote obligatoire, ça marche en Belgique. Les abstentionnistes n'ont qu'à voter blanc si ça leur chante, ils partageront au moins un peu plus consciemment leur responsabilité dans l'issue des élections.. D'un autre coté comment peut-on, en tant que votant, respecter la légitimité d'un gouvernement élu par moins de la moitié de la population en âge d'exercer son acte civique fondamental ? Et je ne parle pas du reste de la population du Canton (45% d'étrangers, nombreux de longue résidence) qui paye des impôts et qui n'a aucun mot à dire.
    Marée brune ? Certes, mais son effet toxique n'est dû qu'a une douzaine de millier de personnes et à un système électoral exceptionnellement pervers.
    Mon souhait est que les organisations internationales se rendent compte de cette triste réalité et quittent ce canton hargneux, mesquin et replié sur lui-même.

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  3. et votre billet est aussi de peu d'intérêt.... la gauche genevoise est une gauche caviar pire que la droite.

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  4. Merci pour vos commentaires.

    Effectivement, la vague brune n'est peut-être pas si forte que cela, dans le sens que ce ne sont qu'un tiers des 41% (chiffre de ce lundi) de votants qui ont voté extrême droite. Cependant, si la légitimité des gouvernements est en effet discutable avec de tels taux de participation, reste qu'il est effrayant que pour près de 60% de la population genevoise, la montée de ce néo-fascisme ne semble pas gêner.

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  5. gauche droite ça ne veut plus rien dire.

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