mercredi 23 novembre 2011

Science : l’Espagne va-t-elle s’agrandir ?

Un monde en perpétuel changement.

Il n’y a pas si longtemps que cela, le dogme d’un monde immuable prévalait. Sur fond de principes religieux, les habitants de nos contrées croyaient en un univers fixe, où, depuis la création divine, les étoiles sont toujours restées à leur place, inchangées, les montagnes ont pris leurs formes actuelles, les mers ont toujours baigné les mêmes côtes, etc. Puis, la science, péniblement, a revu ces dogmes, bien que ceux-ci soit encore bien implantés dans l’inconscient collectif. A l’instar de l’univers, qui semble avoir un début et peut-être une fin, notre Terre (plus ou moins ronde) a eu une évolution, qui continue actuellement. Ainsi, depuis sa naissance il y a 4,6 milliards d’années, la Terre a vu des océans se créer, des continents se déplacer, des montagnes se former puis disparaître sous l’effet de l’érosion.

Cette dynamique de la surface de notre planète, loin de la rendre figée comme le croyaient nos ancêtres, trouve son origine dans la chaleur régnant en son centre : une espèce de réacteur nucléaire naturel – pas les bidules branlants et dépassés fabriqués par les humains, dont certains fossiles idéologiques semblent s’y attacher corps et âme – où la désintégration d’éléments comme le thorium, l’uranium et le potassium, produit une énergie qui met en mouvement de convexion d’énormes masses de matières. Pour visualiser ce phénomène, regardez les mouvements de l’eau d’un bouillon que l’on chauffe à ébullition dans une casserole : ces mouvements sont illustrés par ceux des fines herbes qui montent, entraînées par l’eau chaude, arrivent en surface où elles se déplacent horizontalement (comme le mouvement des continents à la surface de la Terre), puis redescendent avec l’eau refroidie.

Ces mouvements dans le manteau terrestre ont donc des répercutions en surface. Les continents bougent, se rencontrent et forment des chaînes de montagnes (les Alpes, l’Himalaya), ou se séparent et forment de nouveaux océans (Rift Valley en Afrique orientale). Et la chaleur du cœur de la Terre en profite pour s’échapper. Celle-ci rayonne au travers des nombreuses régions volcaniques de la planète.

On recense environ 500 volcans actifs de part le monde ; ce chiffre pourrait être bien plus élevé si l’on tient compte des rides océaniques, ces immenses chaînes montagneuses en forme de rift (vallées en gradins en leurs sommets) qui court au fond des océans. Mais ce chiffre bouge sans cesse. En 1947, un paysan mexicain a expérimenté en direct cela ; alors qu’il travaillait son champ, il remarqua une faille fumante dans celui-ci. Quelques jours plus tard, un cône de plusieurs centaines de mètres de haut avait remplacé son champ ; le Paricutín était né, et avec lui l'ensevelissement de la région environnante et les villages voisins sous une épaisse couche de lave. D’autres montagnes, que l’on croyait sans danger, endormi à jamais, se sont brutalement éveillées ; le Chaiten, au Chili, en est un exemple récent dramatique et spectaculaire.

En Europe, les régions volcaniques du sud de l’Italie et de la Grèce sont bien connues. En revanche, un fait d’actualité a fait pencher l’attention sur un groupe d’îles, autre centre volcanique de grand intérêt : les îles Canaries. Cet archipel d’îles volcaniques éteintes (volcan-bouclier de la Grande Canarie) ou actifs (Pic de Teide sur l’île du même nom, île de La Palma, etc.) est le théâtre d’un événement géologique relativement peu fréquent à l’échelle humaine : la naissance possible d’une île.

Petites bu-bulles avant gros boom ?

Il y a quelques mois en arrière, un nombre impressionnant de petits séismes (tremors) ont été détectés en-dessous de l’île d’El Hierro, la plus occidentale de l’archipel des Canaries, et le reste d’un volcan-bouclier dont la dernière éruption certaine remontait à 500 ans avant J.-C. La crainte des autorités était portée sur le risque d’un réveil du volcan, car le type de tremblements de terre enregistré correspondait bien à une origine volcanique (remontée de magma). Quelques semaines ont passé, et une grande tâche jaunâtre est apparue en mer, quelques kilomètres au sud de l’île, preuve qu’une éruption sous-marine se déroulait bien sur les flancs de l’édifice, projetant des gaz et des matériaux volcaniques dans l’océan.

Les choses semblent se préciser. Il y a quelques semaines, de grosses bulles de gaz ont fait leur apparition en mer. La température de celle-ci a d’ailleurs considérablement augmenté, atteignant 35 °C mardi 8 novembre, et continuant de croître, tout comme le pH de l’eau (acidité). Les poissons morts se ramassent à la pelle… Le sommet du mont sous-marin n’est probablement plus qu’à quelques mètres de la surface.






Naissance d’une île, un combat entre l’eau et le minéral.

La suite dépendra naturellement de l’évolution éruptive du volcan sous-marin. Si l’activité se poursuit de manière suffisamment intensive, on pourra bientôt assister à la phase dite surtseyenne de l’éruption (du nom de l’île islandaise de Surtsey, apparue entre 1963 et 1965, ou ce type d’éruption a été pour la première fois décrite) ; des panaches grisâtres en forme de cyprès (panaches cyprésoïdes) éclateront au sommet du volcan, lorsque celui-ci effleurera la surface de l’océan, résultat d’un contact explosif entre l’eau (des dizaines de degrés) et le magma (environ 1000 °C). Un tel phénomène, très spectaculaire, se voit notamment dans les îles Solomon, dans le Pacifique Sud, au volcan Kavachi.

Reste que l’existence de l’île dépendra de la constance de l’éruption, la sape exercée par les courants et vagues océaniques étant d’une force suffisante pour détruire l’édifice nouvellement sorti des eaux. Pour actif qu’il soit, Karachi n’a jamais franchement émergé des eaux ; l’île née en 1867 dans les Champs Phlégréens du canal de Sicile, en Méditerranée (entre la Sicile et la Tunisie), n’a « vécu » que quelques jours avant d’être détruite par la houle (mettant fin, du même coup, à une pathétique dispute internationale).

L’avenir nous le dira si la superficie de l’Espagne politique va augmenter ces prochaines semaines. Cela dépendra du résultat du combat des éléments : qui, de Vulcain ou de Neptune, triomphera ? Une belle démonstration, en tout cas, d’une planète « vivante » auprès de laquelle l’être humain est bien petit. Mais, ce n’est pas grave, loin de là, d’être petit face à la Nature, surtout si on la respecte !


Sandro Loi


PS : l’exaltation du passionné de géologie que je suis à l’occasion de cette éruption ne doit pas masquer la crainte des habitants d’El Hierro, dont visiblement certains font leurs valises. Une pensée à eux !


Sources :


Bientôt une nouvelle île dans l'archipel des Canaries?, RTBF, 11 novembre 2011, http://www.rtbf.be/info/etcetera/detail_bientot-une-nouvelle-ile-dans-l-archipel-des-canaries?id=7050753


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