jeudi 7 avril 2011

1ère partie - Le réveil?

Le réveil ?

Les consciences se réveilleraient-elles enfin ? Quoi qu’il en soit, il est bien dommage de constater qu’une nouvelle fois, il faille attendre une catastrophe pour enfin soient lancés un débat public et le processus de la « remise en question des dogmes ».

Cette observation, bizarrement, peut s’attacher à plusieurs faits d’actualité, notamment la guerre en Lybie mettant en évidence les liens économiques malheureux entre l’Occident et certains tyrans du monde, soudain devenus bizarrement gênants. Non, ici, c’est bien de l’énergie nucléaire dont je parle. La catastrophe de Fukushima a réveillé une opinion publique quelque peu léthargique à ce sujet. Surtout qu’ici, on ne parle pas de ces bons vieux (et mal gérés) réacteurs RBMK soviétiques de Tchernobyl, mais d’une centrale d’un pays riche, puissance nucléaire aux ingénieurs bien formés, dont le type de réacteur incriminé – système BWR dit à eau bouillante – est le même type utilisé dans plusieurs centrales dans le monde, y compris en Suisse, à Mühleberg.

Alors que les informations provenant de la centrale japonaise sont le plus souvent floues, voire contradictoires, et alors que certains gouvernements, même pro-nucléaires, comme la Suisse ou l’Italie, émettent « enfin » certaines « réserves » (parlons plutôt de manifestations de prudence) face à la technologie de l’atome, la population semble prise dans une tourmente médiatique où s’entrechoquent retournements de veste intéressés, discours conservateurs, projets ambitieux et délires millénaristes : le summum de ce chaos médiatique revient à l’UDC, parti xénophobe et ouvertement pro-nucléaire, qui, pas plus tard que ce weekend, a réussi à mettre un lien de cause à effet entre immigration clandestine, accords de libre circulation et nucléaire !

Difficile d’y voir clair ? Arrêtons-nous un moment donc, mettons de côté ces discours et retournements de veste électoralistes, et, tout au long de ce billet en quatre parties, discutons simplement de « nucléaire ».

Une belle machine pas si performante !

Étudiant ingénieur à Genève, je suivais notamment certains cours avec la filière des physiciens appliqués. Quelques rares occasions m’ont été portées de « participer » à des débats sur l’énergie nucléaire. A l’époque, je trouvais presque surprenant à quel point cette technologie trouvait grâce « religieusement » aux yeux de mes camarades. Discret sur le sujet, j’avoue cependant que j’étais déjà sceptique face à la fission nucléaire, mais comme tout ingénieur, même étudiant, j’étais tout de même fasciné par cette débauche colossale de technicité que représente une centrale atomique. J’écoutais alors attentivement les commentaires des autres étudiants à ce sujet. Les « slogans publicitaires » que j’entendais en classe m’ont énormément surpris, et m’ont poussé à une réflexion – sciences, société et dogmatisme – que je m’efforce de mener encore aujourd’hui.

Simplification n’est pas raison, me direz-vous. Il n’empêche que, aux yeux du commun des mortels, une centrale atomique sonne comme une machine futuriste digne de la science fiction. Très complexe au demeurant, une centrale nucléaire n’est, dans le principe, rien d’autre qu’une « chaudière ». A l’instar d’autres types de centrales thermiques, celle-ci chauffe un fluide qui, vaporisée, actionne des turbines, autrement dit des génératrices produisant de l’électricité. Grossièrement dit, une centrale nucléaire ne se différencie d’une centrale au charbon ou au gaz qu’au niveau du combustible et de la production de chaleur ; la fission nucléaire contrôlée est ici utilisée pour chauffer le fluide.

Dans le domaine des énergies non renouvelables, la centrale nucléaire s’inscrit donc dans la famille des centrales thermiques, au côté des centrales à gaz par exemple. Le fait que la ressource – l’uranium notamment – ne soit pas renouvelable entraîne la prise en compte de la notion de rendement ; celle-ci traduit le rapport entre ce que vous obtenez par ce que vous consommez. Par exemple, un moteur « tout nu » de voiture de tourisme à essence ne fournit que 20% de l’énergie « emmagasinée » dans le carburant ; 80% de ce que vous payez à la pompe est perdu (c’est une approximation grossière : ce rendement baisse encore lorsque l’on considère l’ensemble du véhicule, un régime moteur donné, etc.). C’est que tout « mécanisme » est « imparfait » : des frottements, provoquant des échauffements, font qu’une partie de l’énergie de départ est perdue.

Il en est de même pour toute centrale thermique – et tout système de production d’énergie d’ailleurs. Une partie importante de l’énergie de départ, contenue dans le combustible, n’est pas utilisable au niveau du consommateur (sauf, en partie, dans les dispositifs de récupération de chaleur). Seule une fraction de celle-ci lui arrive. Et c’est là que vient la première surprise du nucléaire, filiale souvent vantée pour son énorme capacité. D’après Areva, le rendement des réacteurs EPR type III (donc la future génération de réacteurs européens à eau pressurisée) est de… 36% (contre 34% pour les EPR type II). Si ce chiffre est à mettre en contexte, il n’en demeure pas moins très faible, et même inférieur à celui atteint par certaines technologies de centrales à gaz.

Bien sûr, on me rétorquera, à raison, que la centrale nucléaire, par se faculté à pouvoir regrouper de grandes puissances sur une surface très faible, compense fortement le problème du rendement, surtout du point de vue économique. Mais, sans même prendre en compte les aspects techniques (les pertes d’énergie supplémentaires le long de la chaîne de transport, de la centrale jusqu’à votre prise électrique), touchant d’ailleurs toutes les sources de production « centralisées », la notion de rendement dans un contexte non renouvelable prend tout son sens lorsque l’on considère l’extraction de la matière première – le minerai d’uranium – et son impact écologique et humain. Sans parler du stockage des déchets…

La suite, bientôt, dans la deuxième partie de ce billet. A bientôt!

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